INTERSYNDICALE INSERTION ET PROBATION VRAI – FAUX

Depuis quelques jours, la Direction de l’Administration Pénitentiaire, et à travers elle les Directions Inter-régionales des Services Pénitentiaires et certains DFSPIP, relaie des « éléments de langage » visant à délégitimer le mouvement social en cours dans la quasi totalité des SPIP. De désinformation en manipulations, tous les coups sont permis. Les affirmations de l’administration qui suivent ont été écrites noir sur blanc.

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Rétablissons quelques vérités.

« Depuis 2010, les SPIP ont été dotés de moyens (…) matériels considérables ». FAUX

Certes, nous avons constaté un certain effort pour ce qui concerne les crédits immobiliers du SPIP. Le déménagement de certains SPIP a effectivement été rendu possible mais faut-il s’extasier d’une mise à disposition de locaux tout simplement adaptés à l’activité et à la taille des équipes ? Il reste encore un sacré travail pour que l’ensemble des personnels évoluent dans des locaux adaptés, voire tout simplement décents.

Le budget de fonctionnement des SPIP a été gelé durant plusieurs années sur la période ; il était pourtant déjà largement insuffisant pour répondre à l’accroissement de la population pénale. Une augmentation est constatée depuis deux exercices, mais là aussi, elle ne fait que répondre à l’accroissement des effectifs de personnels et à une hausse du nombre de personnes suivies.

Le budget de fonctionnement des SPIP, porté à 24,6 millions d’€ en 20161, a augmenté d’environ 12,5 % entre 2010 et 2016. Dans le même temps, les effectifs des SPIP augmentaient (selon la DAP), de 30,1 %, et la population pénale suivie de près de 8 %…

Les choses sont donc claires : la légère augmentation du budget de fonctionnement des SPIP ne répond même pas à l’accroissement des besoins, et l’écart se creuse…

C’est ce qui explique que nombre de SPIP sont en « cessation de paiement » avant les 2/3 de l’exercice budgétaire, que des services n’honorent plus leurs loyers, que l’eau est par endroit coupée faute de règlement des factures, que les déplacements sur permanences délocalisées, en visites à domicile, ou pour les formations continues sont réduits, faute de budget.

1) Sur plus de 1,3 milliard, hors masse salariale, pour l’ensemble de l’administration pénitentiaire !

« Depuis 2010, les SPIP ont été dotés de moyens humains (…) considérables ». INCOMPLET

Certes, un effort en ressources humaines fut plus important entre 2014 et 2016 qu’au cours des années passées.
Mais il est considéré comme « plus important » parce qu’il fut jusqu’ici proche du néant, eu égard à l’accroissement des tâches et du nombre de personnes suivies au cours des 10 dernières années.

Dans ses « éléments de langage », l’administration se félicite d’une augmentation de 30,1 % des effectifs en SPIP (tout corps confondus) entre 2010 et 2016.
Notons que ce chiffre intègre une augmentation de + 700 % des personnels de surveillance dans les SPIP, après le transfert de la gestion des placements sous surveillance électronique des établissements pénitentiaires aux SPIP.

Il comprend aussi la hausse du nombre de personnels sous contrat à hauteur de + 56 %… où la précarité de personnels non formés aux missions des SPIP, traités de façon inégalitaire et scandaleuse, est considérée par l’administration comme un renfort « considérable » pour un service public dit « régalien ». Quelle honte !

L’administration évoque une hausse de + 25,3 % des effectifs de CPIP en 6 ans. Le chiffre pourrait presque être séduisant s’il ne comprenait pas un « basculement » parallèle, par voie d’intégration dans le corps de CPIP, de 73 % des 400 Assistants de Service Social… Simple mouvement interne…

Dans le même temps, la population pénale augmentait quant à elle de près de 8 %. Par ailleurs, les CPIP, qui sont bien ceux qui suivent les personnes sous main de Justice, voyaient leurs tâches se démultiplier : effets de la loi du 24 novembre 2009 et de la loi du 15 août 2014, qui se sont notamment traduits par une explosion des demandes d’aménagement de peine à instruire ; nouvelles contraintes (convocations systématiques en sortie de détention sur la base de l’article 741-1 CPP, procédure de libération sous contrainte, prévention de la radicalisation etc). Le retard était déjà considérable, et les personnels demeurent à l’agonie dans leurs services.

Aujourd’hui, les SPIP où des CPIP suivent de 130 à plus de 200 personnes sont encore nombreux et les ratios théoriques sont notamment faussés par les organisations de service2. Nous sommes encore très loin des standards européens ou internationaux qui préconisent un ratio de prise en charge de 30 à 60 suivis par agent.

2) Exemple : nombre de SPIP sont dotés de pôles enquêtes ; les CPIP qui y sont affectés ne suivent pas de personnes sur le fond, et ne peuvent donc pas être comptabilisées dans la répartition des prises en charge. De même que certaines structures ou modalités d’intervention (Centres de semi-liberté, Centres pour peines aménagées, maisons centrales) font diminuer l’effectif suivi par CPIP. Le ratio théorique national, simplement calculé par nombre de PSMJ / nombre de CPIP, ne donne pas la réalité de l’état des dossiers moyens pris en charge par agent.

« C’est surtout l’impact de la réforme pénale qui a eu une forte incidence sur l’évolution des effectifs en SPIP, grâce à création de 1000 emplois entre 2014 et 2017 ». FAUX

Il doit préalablement être précisé qu’initialement, la création de 1000 emplois dans les SPIP devait être triennale : 2014, 2015, 2016. Ce sont les engagements affichés par le Ministère en 2013, et confirmés par écrit aux organisations professionnelles du CT SPIP en mars 2015 (avec « sortie » des dernières promotions en 2017). Nous constatons donc un glissement dans les engagements, alors que l’année 2017 aurait pu consacrer une prolongation de l’effort, par ailleurs nécessaire, de recrutement.

A ce jour, nous affirmons que la création de 1000 emplois dans les SPIP, sur le triennal, est un mensonge. Concernant les CPIP, qui devaient voir 640 des 1000 créations d’emplois leur être consacrés : au 31 décembre 2014, qui marque le premier des trois volets du recrutement triennal, il n’y avait que 256 CPIP3 de plus par rapport au 31 décembre 2013, alors qu’il en aurait fallu 300 de plus selon la déclinaison du plan de recrutement.

Les retraites et la « fuite » du corps (démissions, détachements etc) ont donc été sous- évaluées. Compte tenu des arrêtés de recrutement publiés pour l’année 2015 (238 CPIP) et 2016 (150 CPIP), il ne faudrait que…. 4 sorties du corps d’ici entre le 1er janvier 2015 et le 1er janvier 2017 pour que la création triennale de 640 postes de CPIP soit effective.

Entre les démissions en cours de formation ou parmi les titulaires, les départs en retraite, les détachements sortants, il est bien évident que nous serons bien au-delà de 4 départs, et que nous serons loin du compte.

Il convient par ailleurs de préciser que l’étude d’impact de la loi du 24 novembre 2009 dite « loi pénitentiaire », document tout ce qu’il y a de plus officiel, préconisait la création de 1000 emplois de CPIP pour l’application du texte. .. A ce jour, le corps de CPIP compte environ 800 agents de plus qu’en fin d’année 2009, considérant qu’en plus de la loi de novembre 2009 il a fallu absorber celle d’août 2014 et toutes les nouvelles tâches et priorités (prévention de la radicalisation etc), considérant que l’étude d’impact de 2009 raisonnait sur la base de 210 000 personnes suivies contre 250 000 aujourd’hui, nous sommes loin, très loin du compte.

Le constat est le même pour le corps de direction des SPIP, les DPIP.

La création nette d’emploi au 31 décembre 2014 est inférieure à celle prévue pour le premier des trois volets du plan de recrutement triennal (489 cadres fin 2014 contre 466 fin 2013, soit + 23 alors qu’il était prévu 30 créations d’emploi).
Les arrêtés de recrutement de 2015 et 2016 confirment, comme pour les CPIP, que le plan triennal ne sera pas respecté. A titre d’exemple, 20 créations d’emplois étaient prévues pour l’année 2016… l’arrêté de recrutement récemment publié prévoit l’ouverture de…. 20 postes, alors que l’administration prévoit 26 départs en retraite en 2015 et en 2016… Et c’est sans compter sur les démissions : le tiers de la dernière promotion recrutée a quitté la formation avant son terme !

Et la démonstration continue pour les psychologues SPIP, avec un recrutement quasiment mis à l’arrêt suite à la priorisation des recrutements de psychologues positionnés sur la prévention de la radicalisation.. ou avec les Assistant(e)s de service social qui ne postulent pas sur des postes trop obscurs… Les données pour les personnels administratifs sont inconnues, mais à l’évidence leur nombre est insuffisant …

3) Bilan social 2014 de l’administration, document officiel et en libre accès.

« Au-delà de la simple mise en œuvre de la loi (du 15 août 2014), les travaux en cours menés par la Direction de Projet des SPIP dessinent une réforme d’ampleur d’ordre méthodologique pour des services qui, depuis leur création en 1999, se sont surtout concentrés à répondre aux différentes évolutions de l’exécution des peines et ainsi au formidable accroissement de leurs missions et de leur niveau d’activité ». VRAI

En effet, depuis une quinzaine d’années, de nombreuses lois participent à un important accroissement des missions des SPIP auquel les personnels d’insertion et de probation sont priés de suivre à marche forcée : mise en œuvre de la réforme pénale, expérimentation d’outils d’évaluation, alignement sur les recommandations du Conseil de l’Europe et les Règles européennes relatives à la probation, corpus méthodologique… Tout ceci est bien vrai, mais montre assez suffisamment que si la DAP se préoccupe de la logique « métier », il est temps qu’elle s’occupe aussi des statuts correspondant à ces exigences !

Une instance de dialogue social ré-activée, le Comité technique SPIP « dédié au milieu ouvert ».

QUE DIRE?

En 2016, la Direction de l’administration pénitentiaire ne sait visiblement toujours pas que les SPIP interviennent à la fois en milieu ouvert et en détention.

Cette méconnaissance des SPIP, de leurs personnels et de leurs missions, n’est pas une surprise. Il y a un mois, dans le rapport CLEMENT-PETREMANN relatif aux « Lignes directrices relatives aux régimes de détention », l’un des tout premiers responsables de notre administration centrale écrivait qu’en milieu ouvert, nous convoquons des détenus ; qu’il faut étendre la contrainte pénale à la détention ; que les « outils d’évaluation » et modalités d’intervention doivent être utilisés pour « reprendre la main » sur la détention ; l’entretien motivationnel est confondu avec l’évaluation…

Autant dire que si les personnels d’insertion et de probation demandent une reconnaissance de la part de leur propre administration, ça n’est pas pour amuser la galerie…

A l’instar des autres corps de la DAP, le personnel d’insertion et de probation (CPIP et DPIP) bénéficiera dès l’année prochaine de la mise en œuvre du dispositif « Parcours professionnel carrière et rémunération (PPCR). Des négociations sont en cours avec les services de la fonction publique et du budget afin de faire bénéficier du dispositif l’ensemble des personnels de la filière ».

ATTENTION MANIPULATION

Le PPCR est un dispositif négocié entre les fédérations et confédérations de fonctionnaires. Soumis à leur vote avant signature d’un protocole, son application a été rejetée. Le Gouvernement a décidé d’appliquer de manière unilatérale le PPCR, insatisfaisant, au mépris des règles du dialogue social.

Il prévoit notamment la transformation d’une partie des primes en points d’indices. Il s’agit ici d’une avancée en ce que l’essentiel des régimes indemnitaires ne sont pas pris en compte dans le calcul des pensions de retraite, au contraire du traitement hors primes. Mais les personnels ne constateront absolument aucune différence sur leur bulletin de salaire. Le gain ne sera légèrement perceptible qu’à l’occasion de leur retraite.

Le PPCR prévoit aussi une obscure restructuration des trois grilles types des catégories A, B et C, avec potentiel gain de quelques points d’indice en fonction des échelons et des catégories. Le fait est que la quasi intégralité des personnels de l’administration pénitentiaire ne sont pas sur des grilles type, et que l’impact sur ces grilles, par ailleurs résiduel, est encore inconnu.

L’Intersyndicale recentre le débat :

D’une part, l’administration ne s’est pas posée ce type de questionnement pour acter la prochaine rénovation statutaire des DSP et des officiers, ou remettre sur la table, moins de deux ans après leur dernière réforme statutaire, le statut des personnels de surveillance; qu’elle s’évite donc un questionnement sélectif…

D’autre part, il ne s’agit pas que d’une question d’indice, dans nos revendications, mais bien d’un changement de catégorie et d’une réforme statutaire de fond (évolution des carrières etc).

Le PPCR prévoit par ailleurs le passage à la catégorie A pour les Assistants de Service social (ASS), et ce d’ici 2018. Mais les CPIP ne sont pas concernés.

Dans ses éléments de langage, la Direction de l’Administration Pénitentiaire évoque la réforme statutaire de la « filière » de décembre 2010.

ATTENTION MANIPULATION

Elle l’évoque, mais ne va pas plus loin que la simple mention. Et pour cause, difficile d’en faire un argument pour délégitimer le mouvement social en cours :

→ La réforme statutaire des CPIP a été étalée sur 5 ans.

En conjuguant cette application dans le temps au gel pluri- annuel du point d’indice, à l’augmentation pluri-annuelle du taux de cotisation pour la retraite (augmentation de 8 à 30 € par mois, chaque 1er janvier depuis au moins 2 ans), à celle du coût de la vie, elle est devenue sans effet.

En outre, une partie de la grille des CPIP avait été calée sur celle des officiers ; les officiers s’apprêtant à voir leur statut rénové, il doit en être de même pour les CPIP.

Enfin et surtout, l’évolution des responsabilités, des compétences et des qualifications nécessite un passage à la catégorie A type.

→ La réforme statutaire de 2010 a concerné les DPIP à la marge.

Elle visait essentiellement le statut d’emploi (DFSPIP). La dernière réforme statutaire pour le corps de direction des SPIP date de 2005.

Un statut qui ne correspond absolument plus à ce que les fonctions et les responsabilités de DPIP sont devenues. Un statut qui ne permet plus l’évolution de carrière. Un statut qui, dès l’instant où celui de l’autre corps de direction de l’AP, celui des directeurs des services pénitentiaires, est révisé, doit l’être en conséquence. L’écart, injustifié, ne fait que se creuser.

Dans ces éléments de langage figure une série de propositions pour la filière, faites par la Direction de l’Administration Pénitentiaire.

Les personnels d’insertion et de probation sont engagés dans une mobilisation qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis début février 2016.

Leurs organisations professionnelles n’ont, depuis janvier 2016, aucune contact, ni officiel, ni officieux avec la Direction de l’Administration centrale. Aucune ébauche de proposition d’aucune sorte n’a été faite. Aucune tentative de prise de contact pour faire redescendre la pression. Au contraire ! L’administration centrale déploie intimidations et menaces de sanctions afin d’étouffer le mouvement qui ne cesse de s’amplifier !

Et dans le même temps, nous constatons que la même direction de l’administration centrale diffuse partout, du Ministère aux services déconcentrés de l’administration pénitentiaire, une note intégrant une série de propositions envisagées. Mais de qui se moque-t-on ?

Paris, le 4 Avril 2016