Retour en Dordogne de la ministre de la Justice un an plus tard: l’heure du bilan?

http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2019/08/visite-garde-des-Sceaux-à-Neuvic.pdf

Décidément la Dordogne fascine, et pas seulement pour ses vestiges préhistoriques! Mme Belloubet, signe son retour en Dordogne au CD de Neuvic presque un an jour pour jour après sa visite du CD de Mauzac le 01/08/2018.

Nous avions pu à cette occasion échanger avec le conseiller au dialogue social de la ministre et remettre un communiqué  à son attention pour faire part de nos inquiétudes quant à la réforme pénale annoncée et quant aux effectifs majoritairement insuffisants dans les SPIP pour absorber un nouvel accroissement de la charge de travail.

Cette fois la rencontre s’est limitée à un court échange entre la ministre et les CPIP qui souhaitaient être présents pendant le déjeuner (échange sur le pouce, comme nous avions pu l’évoquer déjà l’an dernier), les organisations syndicales représentatives des CPIP n’ayant pas été conviées pour l’occasion.

Mais est ce vraiment surprenant?

L’objet de la visite de la ministre était de découvrir le fonctionnement de deux régimes spécifiques mis en place au CD de Neuvic: le module de Respect et l’URUD (unité de réhabilitation des usagers de drogues). Et non de mesurer les conditions réelles de travail des agents et l’impact éventuel de la réforme pénale de mars 2019, sujet autrement plus sensible.

Le module Respect n’est pas exceptionnel (il existe dans 24 autres établissements selon un rapport de l’IGJ de juillet 2018), même si celui de Neuvic était le 2ième à voir le jour en France en septembre 2015.

Son fonctionnement depuis trois ans est loin d’avoir été linéaire à défaut de pilotage national et d’objectifs clairement définis.

Il s’est souvent apparenté à une modalité de gestion de la détention, déconnectée de la vocation de responsabilisation des personnes qui y sont affectées.

Un système de points négatifs et de récompenses octroyés en fonction du comportement de la personne, rappelant des schémas éducatifs quelque peu datés (la carotte et le bâton) semble parfois même aller à l’encontre de cet objectif.

Si la qualité de vie est certainement meilleure que dans les autres bâtiments (au niveau de l’hygiène, du calme et de la réduction des violences), le règlement rigide imposé associé au manque d’activités proposées en compensation en ont rebuté plus d’un!

Et le déploiement du module sur les autres bâtiments est resté lettre morte.

Le manque de crédits alloués n’y est pas étranger.

En effet, ceux ci ont plutôt été injectés dans le nouveau projet phare du CD, l’URUD, unité expérimentale ouverte il y a 2 ans qui, quant à elle, est unique en France.

L’unité fonctionne comme une communauté thérapeutique mais a pourtant été installée dans un étage situé au sein des bâtiments de détention, ce qui n’a pas manqué de poser de nombreuses difficultés en terme d’isolement des « résidents » par rapport au reste de la population pénale (stigmatisation des résidents, contacts avec les autres personnes détenues, échanges de substances grâce aux yoyos..).

Son bilan reste ainsi mitigé.

Le coût semble démesuré (plus de 100 000 € par an) au regard du peu de personnes détenues qui y sont affectées: entre 5 et 12 en moyenne, avec un « turn over » important des résidents qui pour la plupart ne vont pas au terme du parcours de soins, en raison de peines trop courtes ou de profils inadaptés.

Aucune politique de transfert cohérente n’a d’ailleurs été mise en place à cette occasion afin de favoriser les transferts de personnes détenues au sein d’autres établissements de la DISP souhaitant intégrer l’unité.

Et pour le reste quel tableau peut on dresser?

Des bâtiments où on ne souhaite pas regarder en détails ce qu’il se passe, et sur lesquels aucun projet d’amélioration n’est envisagé.

La systématisation de la LSC depuis juin 2019 augmente les libérations et tend ainsi à accentuer encore les transferts de condamnés à de courtes peines vers le CD de Neuvic, qui étaient déjà suffisamment importants (l’effectif des CPIP se renouvelle complètement tous les ans). Le CD s’apparente de plus en plus à une maison d’arrêt.

L’exécution de l’emprisonnement se fait au détriment de l’accompagnement et de la préparation à la sortie, pour laquelle en revanche on n’investit aucun denier, éludant ainsi toute réflexion sur le sens de la peine.

Le temps d’évaluation par le CPIP se réduit comme une peau de chagrin et l’indigence des possibilités d’orientation vers des partenaires à l’extérieur nous laissent un peu chagrins..

Nous sommes bien loin de l’élaboration d’un PACEP,comme le préconise le RPO1 pourtant mis en œuvre sous le mandat de cette même ministre.

Mais en matière de politique pénale et de vision globale de la réinsertion, nous n’en sommes plus à une contradiction près!

                                                Le bureau local de CGT insertion et probation de la Dordogne.

Neuvic, le 14/08/2019