Déclaration Liminaire CSA SPIP du 10 octobre 2023

Paris, le 10 octobre 2023

M le président,

Cette rentrée est bien amère pour les personnels des SPIP.

Sur la question de la surpopulation carcérale d’abord. Les mois s’enchainent et l‘échec de la politique mise en place par le gouvernement est chaque jour plus manifeste. Ce sont, en septembre, 109 établissements qui connaissent un taux d’occupation supérieur à 120 % ! 109 établissements où les conditions de détention sont particulièrement dégradées, et par tant les conditions de travail des personnels et intervenant.e.s !

Ce sont 2361 personnes détenues qui dorment sur un matelas au sol, chiffre en augmentation de 29 % sur un an ! Quelle possible réinsertion, quelle réintégration dans la société pour des personnes que l’Etat lui-même place physiquement plus bas que terre ?

Depuis plus de 30 ans, les pouvoirs publics ne cessent de compulsivement construire de nouvelles places de prison et, pourtant, la situation n’a jamais été aussi dramatique. Ni les cris d’alerte de la CEDH, de la CGPL ou récemment du CESE ne semblent être entendus.

La surpopulation carcérale n’est pas une fatalité, ni un problème immobilier, c’est un mal systémique du système pénal français qui doit être traité à ce niveau ! La lutte contre la surpopulation carcérale doit redevenir une priorité et les personnels doivent enfin être entendus pour porter des solutions, loin des approches sécuritaires démagogiques. Cette recherche de solution devra prendre un autre chemin que celui de la gestion de flux que représentent les RP, LSC et LSCDPD qui conduisent à une perte du sens du travail du SPIP. Ces procédures sont chronophages, créent de l’incertitudes sur les dates de fin de peine, compliquant la préparation à la sortie… Et finalement contre productives en proposant des aménagements de peine inefficaces.

Une rentrée amère également car se poursuit sous l’impulsion de la DAP une démarche de privatisation rampante des missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Le nouveau dispositif InSERRE porté par le cheval de Troie qu’est l’ATIGIP en est une nouvelle étape. Alors que dans le même temps, des partenaires privés plébiscités par la DAP et les directions interrégionales, en dépit des avis plus que mitigés des personnels des terrains, font montre de leurs insuffisances, et qu’on a toutes les peines du monde à rompre les marchés non honorés, ou pire, se retrouvent mis en cause par la justice elle-même pour des pratiques qui devraient vous alerter !

Sur ce point également, la CGT IP vous rappelle qu’elle a de longue date prévenu des risques de dérives, demandé en vain la mise en place de gardes fous. A nouveau la CGT IP vous appelle à jouer votre rôle de défenseur de l’institution que vous avez l’honneur de diriger en cessant de morceler les missions du SPIP au profit d’acteurs privés !

Enfin, les annonces budgétaires pour l’année 2024 viennent sceller le cercueil des espoirs des personnels en SPIP !

599 recrutements en 2024 pour l’Administration Pénitentiaire, dont 512 personnels de surveillance. Avec les ouvertures prévues de nouvelles places, nous doutons légitimement qu’il s’agisse de surveillant.e.s chargé.es de la surveillance électronique.

Ce chiffre, après celui déjà très décevant de 2023, semble acter la fin de la trajectoire à laquelle vous vous étiez engagé pour atteindre les 60 personnes suivies pour un.e CPIP, et tous les chiffres en découlant en termes d’effectifs de personnels administratifs, de direction, ASE et personnels de la pluridisciplinarité.

Les SPIP accompagnent deux fois plus de personnes que ce que le Conseil de l’Europe préconise pour un accompagnement de qualité. La CGT IP le rappelle : le ratio devrait être au maximum de 40 personnes prises en charge par CPIP !

Au-delà du quantitatif, c’est également qualitativement que les conditions de prises en charge sont dégradées. Notre administration doit cesser de dérouler ses projets et programmes à tout va, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. La surcharge de travail impose des choix !

En parallèle, le budget alloué au placement extérieur – 11,2 millions, en baisse – en comparaison des 38,2 millions dédiés à la surveillance électronique, DDSE et BAR confondus, est une jolie illustration des choix sécuritaires et de contrôle opérés par notre administration.

La CGT IP dénonce en outre la politique restrictive menée dans certaines directions interrégionales sur les droits à temps partiel ! Ce n’est pas en revenant sur les droits des agents, leur équilibre personnel et familial, qu’on compensera l’absence de recrutements !

Ce budget se traduit déjà sur les terrains par de très nombreux non renouvellement des contrats. Ce sont à nouveau des personnes compétentes et investies que la DAP abandonne en route, créant des situations sociales difficiles, et laissant par la même perdre des compétences acquises. La CGT IP le rappelle, seul le recrutement de titulaires bénéficiant d’une formation et d’un statut permettra de stabiliser les services. Conscient des compétences acquises par les contractuels et soucieux de leur permettre d’intégrer le corps de CPIP comme titulaires, la CGT s’était battue pour qu’une 3eme voie au concours soit offerte aux contractuel.le.s. Nous demandons que les engagements de la DAP soient tenus quant à l’utilisation de cette voie d’accès au concours permettant un renforcement des services rapides et une titularisation dans le corps  pour les contractuel.le.s en SPIP !

La CGT IP avait déjà pu dénoncer l’absence d’ambition du ministère et de l’administration vis à vis des personnels administratifs, adjoint.e.s et secrétaires en tête. Les plans de requalification ne touchant que très peu de personnels, encore moins en SPIP, et le plan AP pour les personnels en greffe pénitentiaire ne les concernant même pas du tout ! Avec les annonces budgétaires 2024, on en est à se demander si même ces projets-là pourront être menés à bien !

Concernant l’immobilier des SPIP, là encore les budgets risquent de manquer alors que des personnels continuent de travailler partout en France dans des locaux inadaptés, sous dimensionnés,, mal entretenus, mal chauffés, voire qui présentent d’importantes failles de sécurité. Deux antennes se sont même retrouvées récemment SDF ! Comment avec un budget stagnant et des projets de constructions d’établissements extrêmement coûteux, assurer une politique immobilière pour les SPIP ? La CGT IP attend des réponses !

Enfin, qui dit budgets exsangues, dit moyens d’intervention dans les SPIP amputés. Depuis plusieurs années, la CGT IP dénonce la baisse progressive des capacités d’intervention des SPIP auprès des publics. A l’instar du récent rapport de la Cour des Comptes, la CGT IP revendique un budget dédié pour les SPIP !

M le président, galvanisée par ces échecs en série, l’administration pénitentiaire persiste et décide une fois de plus de vider les instances représentatives des personnels de leurs rôles et prérogatives. Le CSA-M du 3 octobre n’a pas pu tenir son ordre du jour, notamment sur la question de la réforme statutaire  tant attendue par les DPIP, car notre administration n’a pas pris la peine de la présenter à l’instance compétente en matière statutaire et indiciaire, le CSA SPIP. Votre réponse frôle l’insulte puisqu’au lieu de mettre ce point à l’ordre du jour, pour avis, de nos travaux aujourd’hui, vous avez décidé d’organiser une réunion de simple information cet après-midi même, conviant même des organisations non représentatives, réunissant à peine quelques dizaines de voix aux dernières élections !

On sait qu’il est parfois difficile pour l’administration pénitentiaire d’entendre les opinions divergentes ou encore d’accepter le principe de la liberté d’expression mais fort heureusement des textes et normes existent pour vous y aider. C’est ainsi aux électeurs et électrices qu’il revient de décider avec qui vous devez discuter et négocier ! M le président, un sujet aussi sérieux qu’une réforme statutaire ne saurait être discuté sur un coin de table !

Les élu.e.s CGT au CSA SPIP