Déclaration Liminaire au CT du SPIP 80: « prévenir la récidive n’est pas la prédire »

Difficile d’entamer ce comité technique sans évoquer les tragédies de Mérignac et Hayange et d’avoir une pensée émue pour ses victimes, directes ou indirectes. Il est néanmoins regrettable de voir ces drames instrumentalisés au seul but de mettre en cause le professionnalisme des personnels de la Justice et plus encore ceux des SPIP. A cette occasion et ce n’est malheureusement pas neuf, la scène publique met en relief des paradoxes qu’on ne connaît que trop bien: il faudrait ainsi éviter toute sortie sèche pour limiter la récidive, mais dans le même temps accepter un procès en laxisme de la Justice quand elle accorde un aménagement de peine. Il faudrait travailler en relation de confiance avec la PPSMJ et dans le même temps rendre accessibles les informations du suivi à la DISP, à la DAP, aux forces de l’ordre. Comme le rappelaient récemment les camarades du département 17, prévenir la récidive n’est pas la prédire, et on ne saurait tenir pour responsable qui que ce soit d’autre que l’auteur du crime.

http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2021/06/DL-CT-110621.pdf

Dans ce contexte troublé, nous adressons tout notre soutien aux collègues affectés par cette tourmente médiatique et condamnons toute recherche de bouc-émissaire. Si responsabilité institutionnelle il y a, elle est plutôt à chercher du côté des moyens accordés au Ministère de la Justice, qui jouit du nombre de magistrats et d’un des budgets les plus pauvres d’Europe en comparaison d’autres états de même richesse. Faisant succéder l’action à l’émotion, le Ministère a
communiqué deux dépêches les 19 et 27 mai 2021 dans un empressement à tout le moins maladroit et depuis les consignes fusent à tout niveau.

Sur cette triste toile, l’affaire amiénoise a été gérée sans heurts pour l’agent en charge du suivi. Pour autant, il nous faut dénoncer certaines conséquences déjà visibles ainsi qu’une inflation de notes vectrices de dangereuses dérives si elles venaient à être appliquées en l’état; notes qui se doivent d’être examinées au CTS.

Ainsi :
Nous nous opposons à tout transfert de responsabilité de l’autorité judiciaire vers le SPIP. Nous ne pouvons gérer le secrétariat du SAP en faisant des relances à trois jours comme le prévoit la note N° 010/DISP du 21/05/21. De la même manière, c’est à la juridiction que revient la charge de récolter l’avis de la victime quant à l’ajout d’une interdiction de contact lorsqu’une permission de sortir ou un aménagement de peine est envisagé, comme dispose l’article L 712-16-2 du CPP.

• En ces périodes où le bon sens est en disette, il nous semble à propos de rappeler que le SPIP prend en charge les auteurs, et non les victimes. Certes, la note N°013/DISP du 02/06/21 ne demande au CPIP que d’envoyer un courrier d’informations aux victimes… en prenant soin de préciser qu’il ne s’agit pas de recueillir un quelconque consentement. Mais nous saurons cependant rester vigilant sur ce point.

Nous déplorons et refusons enfin la mise en place des astreintes, lourd fardeau imposé aux directions locales qui ne manquera pas d’alourdir leur tribut. Faut-il rappeler qu’il y a encore un an à peine, le SPIP 80 fonctionnait avec seulement deux cadres, et ce depuis plusieurs années ? Faut-il tout autant rappeler que les astreintes sont encadrées par des textes règlementaires que ce soit pour leur objet ou leur durée? Qu’il n’en est rien dans celles ci mises en place en urgence et sans prendre en compte l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle des agents?

Puisque tous s’acquittent de leurs missions avec rigueur et sérieux, alors il n’est pas question de laisser le SPIP 80 devenir l’écho local d’un emballement national. La Loi de Programmation de la Justice est déjà porteuse de nombreux enjeux et le SPIP ayant déjà fort à faire, il ne peut alors pallier les disfonctionnements de l’ensemble de la chaîne pénale

Amiens, le 11 juin 2021
La CGT SPIP Somme