Une nouvelle vague sécuritaire prête à déferler telle un tsunami sur l’ensemble des professionnels de l’exécution des peines ?

Une fois de plus, un drame est lamentablement instrumentalisé par nos politiques afin de faire croire à la société que les acteurs judiciaires ne maîtrisent pas leurs missions et agissent sans réflexion.

Le 14 octobre dernier, Manuel Valls a déclaré vouloir « éviter les sorties des détenus sans nécessité avérée » et prévoir « rapidement » une réforme des autorisations de sortie pour les personnes condamnées et incarcérées. L’annonce précipitée faite par le Premier Ministre qui consiste à restreindre les octrois de permissions de sortir et de retirer cette possibilité pour le motif de maintien des liens familiaux est totalement dénuée de sens.

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Cette annonce est antinomique avec les missions du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation qui rappelons-le, a pour mission, entre autres, de maintenir les liens familiaux et de favoriser la (ré)insertion des personnes détenues. D’autre part, la réforme pénale d’août 2014 insiste sur le volet socio-éducatif.

 

Comment peut-on du jour au lendemain balayer d’un revers de manche les missions de notre métier, les textes, sans avoir échangé avec les principaux acteurs des services judiciaires et de l’administration pénitentiaire ?

 

Ce mépris et cette méconnaissance de nos métiers sont insupportables. Il est bien trop facile de nous accuser de tous les maux et de l’acte isolé d’un seul individu. Ce raccourci est indigne d’un gouvernement.

Nous avons de nombreuses compétences mais pas celle de prédire l’avenir. Monsieur le premier Ministre, nous pouvons vous expliquer les missions du SPIP et son travail quotidien dans les établissements pénitentiaires.

 

La suppression des permissions de sortir dans le cadre du maintien des liens familiaux et la restriction des autres permissions (notamment celles qui préparent à la sortie) ne sont tout simplement pas envisageables. La personne détenue doit être actrice de son projet de sortie qu’il soit professionnel et/ou familial.

Il est nécessaire de rappeler que chaque demande de permission de sortit est étudiée lors de la commission de l’application des peines, où sont présents le SPIP, le juge de l’application des peines, le Procureur ainsi que la détention. La décision d’octroi ou non d’une permission de sortir est prononcée par un magistrat sur la base d’un avis pris en collégialité. La situation globale de chaque personne est examinée avec des éléments concrets et précis.

 

On ne peut pas faire fi de cette étape dans le projet d’exécution de la peine d’une personne condamnée. Rappelons également que chaque personne détenue ne peut pas être assimilée à une autre. Il n’est pas possible d’imposer à tous un système de permission de sortir totalement arbitraire et totalitaire !

Que faites-vous de la dignité de la personne détenue, de l’individualisation de la peine ? Comment peut-on priver une personne détenue de voir sa famille ?

 

C’est au contraire par la suppression des permissions de sortir que les personnes détenues risquent de s’enferrer dans l’isolement, de ne plus être actives et actrices de leur projet et de là découlera une rupture avec la société. Nous pouvons le dire, la suppression et/ou la restriction des permissions de sortir, n’apportera qu’un effet inverse.

 

Les professionnels de la Justice connaissent leurs métiers, leurs missions, laissez les travailler, améliorer leurs conditions de travail mais surtout ne faites pas des annonces mensongères laissant croire à l’opinion publique le contraire.

 Montreuil, le 22 octobre 2015