Rencontre avec le nouveau Ministre de la Justice

Reçue la semaine dernière par le Garde des Sceaux, la CGT insertion probation a pris bonne note que le nouveau Ministre de la Justice entendait utiliser les 14 mois de mandat dont il dispose pour marquer son passage.

Version imprimable du communiqué national audience ministre 

Si cette audience ne s’est pas faite dans le cadre de la mobilisation intersyndicale mais du fait de sa récente nomination, le Garde des Sceaux avait connaissance de la mobilisation intersyndicale et semblait déjà conscient d’un certain nombre de difficultés rencontrées au sein des Service Pénitentiaires d’Insertion et de Probation.

La CGT insertion probation a rappelé au ministre l’ensemble des revendications des personnels des SPIP portées par l’intersyndicale Insertion  probation. Plus de 80 Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation sur tout le territoire adoptent des modalités d’action et clament haut et fort la plateforme revendicative insertion probation. Une audience intersyndicale est sollicitée auprès du Ministre qui a dores et déjà  donné son accord de principe sur une très prochaine rencontre.

La mobilisation dans les SPIP, celles au sein de la Fonction Publique pour les salaires, plus largement dans tous les secteurs contre la Loi Travail, ou encore contre l’Etat d’urgence sont autant de combats que la CGT mène et autant de preuves d’un mécontentement grandissant en réaction à un contexte particulièrement régressif en termes de droit du travail, d’acquis sociaux ou encore de libertés citoyennes et syndicales.

Les déclarations du Ministre sur l’extension du parc carcéral sont à l’opposé de ce que la CGT défend et ne font qu’accentuer un virage sécuritaire très inquiétant.

La CGT insertion probation a rappelé le manque d’envergure des évolutions des politiques pénales récentes qui n’ont pas mené à un changement de paradigme faisant de la prison l’exception. Bien au contraire, nous ne faisons que constater l’extension du filet pénal, une politique d’aménagement peine privée de financements et basée uniquement sur la gestion des flux (placement sous surveillance électronique au détriment des placements extérieurs ou des libérations conditionnelles), une restriction des permissions de sortie…

L’individualisation des peines et la réinsertion doivent présider aux choix de politique pénale et replacer le justiciable et citoyen au centre des préoccupations. Et cet horizon devient de plus en plus lointain!

Le ministre a été à l’écoute des alertes faites par la CGT sur :

  • des conditions matérielles parfois très prosaïques qui ne permettent pas d’exercer nos missions
  • un management autoritaire (menaces de trentième, demande d’explications, lettre d’observation…) qui ne prend pas en compte les réalités des équipes. Ceci n’est plus tenable et la souffrance des agents dans de nombreux services vient de ce décalage entre les injonctions de l’administration et le manque de moyens.
  • l’absence d’organigramme de référence et de ratio de prise en charge.
  • la politique d’affichage pseudo scientifique de la DAP (outil d’évaluation PREVA, modèle RBR) déconnectée de nos missions et méprisant nos savoirs faire qui contribue à perdre une profession qui sait pourtant d’où elle vient et où elle souhaite aller.

 

La prévention de la récidive comme bénéfice d’une réinsertion sociale réussie est le cœur de notre métier et l’accompagnement socio-éducatif doit rester la base de notre intervention dans le respect du mandat judiciaire. Ce point de vue est partagé par le garde des sceaux qui ne croit pas à la stigmatisation de nos publics selon leur « dangerosité supposée » et aux QCM que peuvent constituer les outils actuariels.

La machine avance alors que certains sujets stagnent tels que la pré affectation. Devant le constat très largement partagé de l’échec de ce dispositif le Garde des Sceaux avoue de pas comprendre le statu quo, à moins que des motifs fallacieux ne lui soient cachés…

Sa récente visite à Fleury Merogis n’aura pu que lui donner une illustration  parlante des effets dévastateurs de ce système de formation.

Les chantiers ouverts en 2014 sur le recrutement et la formation doivent reprendre et aboutir rapidement pour valoriser et consolider les savoirs faire professionnels.

La formation dispensée à l’ENAP doit conduire à la validation d’un diplôme de niveau II qui irait non seulement dans le sens tant attendu d’une reconnaissance de nos savoirs faire professionnels  mais qui  permettrait aussi le passage en catégorie A type inhérent à notre niveau de compétence de responsabilité et en adéquation avec les évolutions envisagées pour les travailleurs sociaux au sein de la fonction publique (Parcours Professionnel Carrières et Rémunérations). La CGT a ainsi remis au Ministre son document d’analyse sur la revendication de la Catégorie A.

L’absence de revalorisation s’explique aussi par la forte féminisation de notre profession. En effet la forte proportion de femmes correspond dans de nombreux domaines à des stagnations statutaires. Le Ministre s’est montré très ouvert à ces considérations d’égalité femmes-hommes qui touchent l’ensemble de la Fonction Publique. Il a indiqué vouloir commander une étude comparée au sein du Ministère de la Justice à la haute fonctionnaire à l’égalité. Il ne s’est pas montré moins intéressé lorsqu’ont été évoquées les situations des assistantes de services sociales œuvrant dans les SPIP qui se voient refuser rétroactivement l’intégration de l’Indemnité de Sujétions Spéciales au calcul de leur retraite. Le Ministre s’est engagé comme sa prédécesseure  à prendre en considération ces situations.

La CGT l’a également alerte sur l’archaïsme de notre statut spécial et l’absence de droit grève.

Ce que la CGT considère comme un anachronisme constitue dans les faits une véritable muselière. Dans le contexte actuel de mobilisation, certains cadres zélés, qui menacent ici ou là, trouvent dans ce régime hérité de la guerre d’Algérie une réponse toute faite à leur manque de courage et/ou d’intérêt pour leur métier!

Le Ministre de la Justice s’est montré très à l’écoute de nos arguments. Nous savons que le temps est compté et que nos revendications doivent trouver une concrétisation très rapide, visiblement le Ministre est conscient de ce timing !

Montreuil, le 15 mars 2016