Quand la prévention de la radicalisation rime avec confusion et précipitation !

Quand l’administration pénitentiaire ouvre grand son parapluie, cela n’apporte pas de bon présage pour l’ensemble des professionnels de l’insertion et la probation.

La CGT insertion et probation n’a de cesse de dénoncer le Plan de Lutte Anti Terroriste (PLAT) et les conséquences qui en découlent pour les professionnels de l’exécution des peines.

Nous rappelons ici que les conseillers d’insertion et de probation (CPIP) ne sont pas des agents du renseignement de par leur identité et leur éthique professionnelles.

Version imprimable du communiqué national

C’est notamment pour éviter ces dérives que le collectif CGT insertion et probation revendique l’élaboration d’une déontologie propre à la profession de CPIP. Dans le cadre d’un mandat judiciaire, c’est aux travailleurs sociaux d’évaluer un danger, c’est au magistrat mandant qu’ils doivent rendre des comptes et ils le font en toute responsabilité dans le cadre de leurs missions. Seulement, l’administration pénitentiaire, comme à son habitude, demande à ses agents de s’exécuter et met une fois de plus en place un arsenal de moyens sans en maîtriser les tenants et les aboutissants.

A l’heure où les SPIP se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de travail et leur statut, un lourd projet se profile dans les établissements pénitentiaires, projet une fois de plus chronophage et d’un non-sens patenté : la «gestion des personnes détenues hors unités dédiées ». Cette « gestion » a pour objectif de repérer les personnes détenues radicalisées ou en voie de l’être pour les orienter le cas échéant vers les unités dédiées. Rappelons encore que les CPIP ne sont pas formés sur le phénomène complexe de la radicalisation, les formations existantes sont très inégales d’une direction interrégionale (DISP) à une autre. En effet, sur certaines DISP, des CPIP ont été formés de façon intensive tandis que sur d’autres, il n’y a eu aucune formation à part la rencontre avec le binôme PLAT (agents non titulaires psychologue et éducateur spécialisé) parfois très loin de maîtriser leurs moyens d’intervention !

Dans le cadre de cette « gestion » des personnes détenues, les CPIP devront repérer (dès leur arrivée dans l’établissement) le niveau de radicalisation de la personne « soupçonnée » , soit 4 niveaux possibles: 1/ Les personnes les plus radicalisées 2/ Les personnes assumant déjà une démarche radicale mais n’ayant pas commis d’acte grave ou significatif, accessibles à une remise en question 3/ Les personnes présentant des signes de radicalisation susceptibles de basculer dans un processus plus violent, présentant une forme de vulnérabilité, conservant une forme de résistance à l’action terroriste, n’ayant pas rompu tout lien avec sa famille 4/ Les personnes pour lesquelles le risque de radicalisation n’est pas établi

Puis s’enchaîne un processus effréné de prise en charge (entretien mensuel pendant 6 mois, entretien en binôme avec la détention, entretien avec le co-cellulaire de la personne détenue suivie), de suivi ( les Commissions pluridisciplinaires uniques de suivi auront un volet « radicalisation » où seront présents l’agent local de renseignement local et le binôme PLAT ), d’évaluation, d’orientation (avec des moyens de plus en plus appauvris au vu de la situation économique et sociale).

Il est clairement dit que l’important est d’assurer la traçabilité.

Ce n’est même plus l’insertion de la personne détenue dans la société qui est en jeu mais bien la preuve que l’administration pénitentiaire n’a fait son « devoir » que de renseigner !

Avec genre ces procédures professionnelles, de pseudo-outils, il est clair que les personnes détenues sont de plus en plus stigmatisées et réduites à de simples critères, nous ne pouvons décemment pas intervenir dans ces conditions déshumanisées !

Après les arrestations aux abords ou dans les SPIP, les signalements radicalisation en SPIP milieu ouvert, les diminutions de permissions de sortir, nous dénonçons toutes ces dérives sécuritaires qui sont imposées dans les SPIP, ce sont dans ces conditions que naissent la suspicion, la méfiance et les amalgames de tout genre, ce projet est une fois de plus en total décalage avec les  missions des travailleurs sociaux.

Nous ne pouvons pas laisser s’insinuer de telles pratiques et procédures dans les SPIP et plus globalement dans les services publics.

Soyez-en sûr, nous ne serons jamais des agents du renseignement !

Nous réfléchissons, nous agissons avec professionnalisme et rigueur mais pas dans la précipitation et l’ignorance !

 

 

 

Montreuil, le 15 mars 2016