RAPPORT SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME PENALE UN MANQUE D’AMBITION CONFIRMÉ !

En toute discrétion, sans trompette, ni fanfare, ni présentation à la presse ou aux organisations syndicales, le Ministre de la Justice a rendu le 21 octobre 2016 un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions, dite « réforme pénale ».

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La loi prévoyait effectivement un bilan au bout de 2 ans afin d’envisager ou non de pousser plus loin cette réforme. On ne pouvait s’attendre à autre chose qu’à un manque d’ambition confirmé. Le Ministère met au placard tout volontarisme pour une politique pénale résolument humaniste et progressiste faisant de la prison l’exception.

Comment pouvait-on espérer que le gouvernement porte cette évolution pourtant absolument nécessaire quand quelques semaines plus tôt l’extension du parc carcéral était prônée haut et fort, et que les choix budgétaires confirment les orientations sécuritaires ?

Comment pouvait-on espérer dans un contexte où l’administration pénitentiaire ne voit sa mission qu’à travers la lutte contre la radicalisation et son aspiration à devenir un ministère de l’intérieur bis ?

Au lieu de se saisir de ce bilan pour pousser plus loin cette réforme pénale, le Ministère s’est contenté de faire la promotion du modèle RBR (risques besoins réceptivité venu tout droit du Canada) comme « LA » référence et de miser tous ses espoirs dans les divers manuels et meilleures coordinations entre les différents acteurs !

Au passage, il ne nous a pas échappé à la lecture de ce rapport qu’il s’agissait là d’assurer la promotion des outils d’évaluation actuariels : déploiement de la formation et de l’outil dès début 2017.

Alors que le rapport final de la recherche PREVA est plus que sujet à caution, l’administration veut donner l’illusion que cette décision de déploiement n’est pas encore prise ! Et bien le Ministère a vendu la mèche ! La CGT n’entend pas en rester là !

Alors que la surpopulation carcérale bat des records :
– seulement 2287 contraintes pénales ont été prononcées depuis l’entrée en vigueur, soit 1 prononcée pour 32 sursis mise à l’épreuve, sur plus d’un million de condamnations,

– seulement 6492 libérations sous contrainte ont été octroyées,

Les conclusions du rapport ne sont pas prêtes de changer la donne. Quel manque de courage politique !

Ainsi, alors que la loi ouvrait la possibilité dans son article 20, le Ministre estime qu’il « n’est pas opportun de faire de la contrainte pénale la peine principale pour certaines infractions, en supprimant la peine d’emprisonnement encourue », et qu’« il n’apparaît pas plus pertinent, pour promouvoir la contrainte pénale, de se contenter de supprimer le sursis mise à l’épreuve et le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général ».

La CGT le disait dès le départ : la peine de probation devait être déconnectée de l’emprisonnement, et devait remplacer les autres mesures type SME, TIG pour véritablement inverser l’échelle des peines et faire de la prison l’ultime et l’exceptionnel recours.

Lire le dossier sur la réforme pénale du Journal Fonction Publique été 2014

Concernant la libération sous contrainte, le Ministère reconnaît la charge importante de travail pour les SPIP et la multiplication des commissions d’application des peines due à cet examen automatique et envisage de dispenser les situations pour lesquelles les personnes ont exprimé un refus d’être examinées en CAP. Ce qui n’exonérera pas le SPIP du recueil du consentement.

La CGT l’avait dit dès le départ : la libération sous contrainte est une nouvelle usine à gaz qui déploie une énergie importante pour peu de bénéficiaires.
Le ministère évoque les difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels à savoir « le manque de structures de placement extérieur et semi-liberté ».
Pour se donner bonne conscience sur son projet de plan immobilier, le Ministère évoque les quartiers de préparation à la sortie dont la plupart existent d’ores et déjà sous d’autres dénominations. Mais toujours un budget dérisoire pour les placements extérieurs !

L’examen automatique à 2/3 de peines de la libération conditionnelle pour les longues peines n’a pas davantage permis de développer la libération conditionnelle. Les éternels oubliés sont encore et toujours les personnes condamnées à de longues peines.

La mission Cotte avait été diligentée sur ce sujet mais son rapport remis en décembre 2015 qui préconisait notamment l’abrogation de la rétention de sûreté est resté à ce jour lettre morte.

La CGT revendique une politique pénale humaniste et progressiste faisant de la prison l’exception, l’aménagement des courtes peines, la libération conditionnelle automatique et un budget résolument réorienté sur la réinsertion, et les alternatives à l’emprisonnement.

Montreuil, le 7 novembre 2016