Episode III : Radicalisation, renseignement et détournement ? : DÉTOURNEMENT DE NOS MISSIONS : ÇA SUFFIT !

Les actes de terrorisme commis en janvier et novembre 2015 ont marqué notre société de façon indélébile. Ces tragiques événements ont naturellement suscité l’émotion, la douleur ainsi que la crainte de tout un peuple dont les valeurs sont attaquées.

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Le maintien de l’Etat d’urgence décrété par le gouvernement depuis novembre et les évolutions constitutionnelles envisagées nous apparaissent toutefois une réponse loin des valeurs historiques et des équilibres sur lesquels s’est construite notre démocratie. Ils contribuent eux-mêmes à une remise en cause de nos valeurs républicaines et conduisent à un repli qui pourrait s’avérer plus dangereux que salvateur.
Ce constat se retrouve dans différentes sphères de la société et se fait également ressentir au niveau de notre profession. Les médias et les politiques ont mis fortement l’accent sur la prison comme « foyer de radicalisation ». Si le renseignement pénitentiaire existait déjà, l’importance qui lui est accordée s’est renforcée et son domaine d’intervention s’est élargi.

Le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP), qui était plutôt éloigné de ces considérations il y a à peine un an, se voit considérer aujourd’hui comme source d’observation et de renseignement :
– recrutement de conseillers d’insertion et de probation dans les services de renseignement en Direction Interrégionale,
– 1er et 2eme Plan de Lutte Anti Terrorisme,
– consignes de la hiérarchie sur le signalement de toute radicalisation supposée,

– création d’unités dédiées malgré les préconisations inverses de la contrôleuse générale des lieux de privations de libertés…

Autant d’éléments encore obscurs qui paraissent se mettre en place de manière précipitée selon l’éternelle logique d’affichage d’une administration plus pressée de « dire qu’elle fait » que d’y réfléchir… Cette évolution interroge et crée de légitimes inquiétudes dans nos services.

Les consignes d’observation, d’orientation et de signalement se multiplient, venant se confronter aux principes déontologiques du travail social et aux principes de prise en charge pourtant parallèlement prônés par l’administration via les REP (Recommandations Européennes de la Probation) !
Comment ne pas s’interroger quand d’une réunion à l’autre notre profession passe de l’insertion à la détection du radicalisme, notion jamais définie ?

N’y a-t-il pas des logiques contradictoires entre la mise en place d’un lien positif avec la personne suivie, son insertion et une suspicion généralisée et stigmatisante ?

Comment travailler à la fois sur le lien de confiance, le respect de la personne suivie et se voir contraint d’orienter ces mêmes personnes vers des formations intitulées « plan de lutte Anti terrorisme » ?

Quels sont les cheminements et les conséquences des signalements demandés aujourd’hui par l’administration ? Les conséquences non maîtrisées et contraires aux objectifs d’insertion de ces signalements sont progressivement portées à notre connaissance (perte d’emploi suite à un contact des services de renseignement avec l’employeur par exemple…).

Dans ce contexte d’injonctions paradoxales, les professionnels s’interrogent fortement sur le devenir de leur métier et de ce fait sur leur cadre d’intervention.

Nous arborons et revendiquons une éthique professionnelle qui est ancrée dans nos pratiques, nous ne sommes pas des agents du renseignement, la suspicion généralisée et la stigmatisation sont totalement antinomiques avec nos missions et valeurs.

Rappelons que nous sommes des professionnels sous mandat judiciaire que nous savons et que nous avons toujours fait remonter les informations nécessaires aux magistrats mandants lorsqu’une situation l’exigeait.

Rappelons également que le secret professionnel n’est pas qu’un concept obscur, qu’il doit s’appliquer à notre profession et qu’il emporte des responsabilités.

Il est tout à fait normal que tout un chacun soit concerné par les événements de 2015, néanmoins les répercussions sur nos pratiques professionnelles et les attentes que semble avoir la DAP ne doivent pas dénaturer nos missions.

La CGT ne lâche rien ! Elle continuera d’occuper le terrain et sera combative auprès des personnels pour défendre leurs intérêts et le sens de nos missions et nos métiers !
Episode I SALAIRES ,
Episode II CHARGES DE TRAVAIL,
Episode III MISSIONS !
LA MOBILISATION S’IMPOSE !
La CGT appelle l’ensemble des personnels à rejoindre la journée de grève et de manifestation Fonction Publique organisée le 26 janvier 2016 et à s’engager dans la lutte!

Montreuil, le 12 janvier 2016