SPIP du Haut-Rhin, terre d’écueils – INTERSYNDICAL

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Depuis début mars 2020, le Haut-Rhin est frappé de plein fouet par la crise sanitaire liée au COVID 19. Mulhouse en est devenu un symbole, par le jeu d’un macabre hasard ayant conduit cette cité à se trouver confrontée à un gigantesque « cluster » entraînant la fermeture des établissements scolaires dès le 9 mars 2020, soit une semaine avant que cette décision soit étendue sur l’ensemble du territoire national. Depuis cette date, les services publics avancent à marche forcée, en constante adaptation, afin de maintenir une garantie de service minimale au profit des publics. En ce qui concerne l’Administration Pénitentiaire, et plus particulièrement le SPIP du Haut-Rhin, cette marche forcée s’est transformée en un grand n’importe quoi, à l’occasion duquel les personnels de Direction se distinguent par leur incapacité à prendre la mesure de la situation : retour sur la chronologie du désastre….

Mon premier est une incapacité à protéger publics et agents.

Afin de gérer cette crise sanitaire inédite, la Direction du SPIP a élaboré un Plan de Continuation d’Activité (PCA). Ce plan a été remanié à plusieurs reprises, sans jamais consulter les membres du Comité Technique comme il aurait pourtant été de mise – même avec les moyens du bord – dans cette situation d’urgence.

En ce qui concerne le déroulement des entretiens dans les maisons d’arrêt du Haut-Rhin, la Direction du SPIP s’est évertuée à contraindre les agents à les poursuivre, à travers ce PCA, pour lequel les procédures de protection n’ont été que très, voire trop tardivement mises en œuvre.

Il a fallu attendre des semaines pour qu’une trame soit remise aux arrivants, que les informations soient délivrées via l’unité sanitaire sur l’entretien médical d’arrivée, et surtout, que les entretiens du SPIP soient réalisés dans des salles d’activité aérées, en particulier à la maison d’arrêt de Mulhouse. Sur ce dernier point, la Direction du SPIP a été saisie par les organisations syndicales dès le 23 mars 2020, afin que des précisions soient portées aux agents. Cette saisine est restée lettre morte.

Des négociations entre la Direction de la maison d’arrêt de Mulhouse et la Direction du SPIP, afin d’envisager les conditions de déroulement des entretiens (entretiens téléphoniques, vitres de protection séparant le bureau d’entretien, utilisation de parloirs hygiaphone, etc…), n’ont été menées que le 30 mars 2020, soit quinze jours après le début du confinement, et n’ont de fait pas abouti. C’est ainsi que des agents sont allés en détention, conduire des entretiens dans des lieux totalement improvisés, et sans aucun dispositif de protection des publics rencontrés.

Bien plus grave, aucune information n’était transmise aux agents quant au confinement des personnes détenues. C’est un mail de la Direction d’Antenne de Mulhouse qui indiquait le 30 mars 2020 que plus aucune personne détenue n’était confinée. Les agents du SPIP intervenant alors à la maison d’arrêt de Mulhouse, et ayant repris notamment les liens avec la famille en l’absence de parloirs, n’avaient jusqu’alors pas été informés que des personnes détenues étaient confinées.

A la maison d’arrêt de Colmar, s’il était question au départ de ne rencontrer les détenus arrivants qu’après la levée du confinement (cf PCA du 17 mars 2020), il a rapidement été question de les voir seulement après avoir vérifié que l’unité sanitaire les avait aussi reçus, soit en plein pendant la mesure de confinement de la personne détenue.

En ce qui concerne la procédure de confinement des personnels du SPIP touchés par le virus, la situation s’avère ubuesque. Plusieurs agents du SPIP 68 ont subi, parfois violemment avec passage aux urgences, cette crise sanitaire. Là où les préconisations élémentaires recommandent un isolement des agents ayant été en contact avec ces derniers, nulle orientation de ce type sur le SPIP 68 : chacun a dû regagner son poste comme si de rien n’était, sans mise en isolement préventif, avec le risque majeur de contaminer d’autres collègues ou des personnes détenues. Et il est fort à parier que cela soit arrivé. Faut-il rappeler les consignes du Ministère de l’Action et des Comptes Publics sur ce point ? https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/covid-19/20200331-questions_reponses_FP.pdf. Lorsque l’on sait que dès le début, le SPIP 68 disposait de masques de protection, que dès le 16 mars 2020, des personnels de la maison d’arrêt Mulhouse en portaient, ne pas en avoir donné à des agents ayant été en contact avec des personnes malades est irresponsable.

Et que dire de la cacophonie qui a eu lieu au SPIP de Colmar, passant de l’interdiction à l’obligation de porter des masques, au gré des stocks disponibles ?! Même là, le SPIP n’ayant pas de stock propre, c’est la maison d’arrêt qui a fini par accepter d’équiper les CPIP pour les entretiens indispensables, avant de se rétracter, et de céder à nouveau ..!

De façon générale, la « gestion de crise » de la Direction du SPIP 68 se traduit par un manque criant de communication et des objectifs qui posent clairement question, en particulier lorsqu’un nouveau PCA vise à augmenter les effectifs présents alors que le confinement est encore pleinement en cours sur tout le territoire national et qu’aucun élément nouveau ne vient le justifier.

Mon second est une Direction obnubilée par les congés ou absences des personnels.

C’est finalement ce point qui ressortira comme étant celui de l’activité principale du SPIP 68 durant cette crise sanitaire. La Direction du SPIP a commencé par imposer aux agents la pose de 5 jours de congés. Décision absurde lorsque l’on sait par ailleurs que cette même Direction ne confinait pas les agents en contacts avec des collègues touchés par le COVID….

Par suite, cette même Direction du SPIP, magnifiquement relayée au niveau local à Mulhouse, s’échinait à interdire la pose de RCT. Ce n’est qu’à la suite d’une intervention syndicale que la blague prenait fin.

Que dire enfin du traitement différencié des agents absents pour garde d’enfant ou vulnérabilité, qui subissent pourtant aussi de plein fouet les effets de cette crise sanitaire et qui n’ont pas non plus choisi de baisser leur temps de présence au SPIP ?

Pour demain, les premiers jalons sont posés : la Directrice de l’antenne de Mulhouse se questionne aujourd’hui de savoir comment contraindre un agent, qui ne remettrait pas son enfant à l’école le 11 mai, à reprendre son poste. Nous invitons d’ores et déjà la Direction du SPIP 68 à prendre attache avec l’Académie de l’Education Nationale. Ils se rendront compte que l’ouverture des écoles n’est probablement pas pour le 11 mai…. Quant aux collèges et lycées, nous n’en parlons même pas. Nous les invitons par ailleurs à attendre les consignes nationales sur ce point, et se centrer sur les questions liées à la protection des personnes….

Les mesquineries de la Direction du SPIP sont tout simplement insupportables lorsque l’on sait la masse de travail abattu et de risques pris par les agents depuis début mars 2020.

Mon tout forme l’échec de demain.

La Direction du SPIP 68, et ses échelons locaux, pose les bases d’un désastre à venir.

La dotation en moyens de communication (ordinateurs portables et téléphones portables) doit constituer une priorité tant la situation sanitaire difficile risque de le rester, avec des « stop-and-go » à prévoir. L’histoire nous apprend qu’il faut douter d’une volonté de la Direction du SPIP 68 sur ce point, quand on sait qu’il avait fallu plusieurs mois à un agent pour obtenir une ligne téléphonique professionnelle à la maison d’arrêt de Mulhouse, et alors même que sur les huit ordinateurs portables dont est doté le SPIP 68, pas un seul n’est mis à disposition des agents ayant en charge des personnes suivies… : à se demander au service  qui doit continuer le Service Public…

Le déconfinement annoncé le 11 mai prend pour sa part une tournure particulièrement inquiétante au SPIP 68. Il nous est dit par la Direction que l’ensemble des personnels de la maison d’arrêt de Mulhouse serait testé au COVID au moment du déconfinement, mais que rien ne serait prévu pour les personnels du SPIP, qu’ils interviennent ou non au sein de la structure. Pour Colmar, aucune information n’a été donnée au sujet de tests.  Sans commentaire….

Il est d’ores et déjà annoncé le retour des stagiaires et l’augmentation progressive des effectifs présents. Cela ne va pas sans une inquiétude certaine sur l’augmentation du risque lié à la contagion. Notamment quand on sait qu’une partie des agents a été contaminée, dans les différentes antennes. Les organisations syndicales ont d’ailleurs alerté la Direction par mail le 20 avril 2020. Pour seule réponse, nous avons été informés que « la protection des agents reste la priorité » de la Direction, mais qu’elle se doit aussi d’appliquer la note DAP du 15 mars 2020 qui indique que « l’activité des SPIP continue à s’exercer tant en milieu ouvert que fermé »… Encore une fois, il aurait été plus qu’appréciable de connaître les motivations de ce changement d’effectif et des priorités données à nos missions, alors que ladite note DAP existe depuis le début du confinement.

En ce qui concerne une éventuelle reprise des entretiens en milieu ouvert, nous invitons la Direction du SPIP 68 à lâcher les plannings des yeux 5 minutes et se poser les bonnes questions : mise à disposition de gel hydroalcoolique pour les publics, désinfection des locaux en journée, mise en place de plusieurs salles d’attente, condamnations de bureaux d’entretiens trop étroits, durée des entretiens, établissement d’une jauge de public présent, mise en œuvre d’une continuité du service dans ce contexte, etc. L’ensemble risque d’être particulièrement sportif lorsque l’on sait que, dans son souci d’éviter tout incident qui puisse lui être reproché, la Direction du SPIP a pris la décision de réaffecter l’ensemble des mesures des agents absents plus de 15 jours….

Le 22 avril 2020, les agents du SPIP 68 ont été invités, sur demande du DFSPIP adjoint, à formaliser leurs impressions sur la réalisation des enquêtes sociales rapides par téléphone, et ce en prévision des enseignements à tirer pour l’avenir. A de fait été remis sur le tapis le projet d’enquêtes sociales rapides téléphoniques, que cette même Direction du SPIP 68 avait tenté de faire passer en force début 2020. Notre réponse à ce questionnaire est donc la suivante : la Direction du SPIP 68 considère l’entretien présentiel comme non nécessaire, hors crise sanitaire, au moment où peut se dessiner une alternative à l’emprisonnement, mais le considère comme nécessaire, pendant la crise sanitaire, au moment où a lieu l’emprisonnement.

Cohérence et sens de l’opportunité restent donc des marqueurs qui échappent à la Direction du SPIP 68.

Dans son souci manifeste de créer une chefferie se moquant des consignes nationales ou prétendant anticiper ces dernières, la Direction du SPIP 68, à tous niveaux, se met et s’est mise en situation de responsabilité sur un plan délicat : le plan pénal.

Nous l’invitons fortement à redescendre de son nuage, ranger couronnes et sceptres, se confronter à la réalité des conséquences des décisions prises, et anticiper la suite dans le cadre de décisions qui doivent offrir des garanties sanitaires aux publics et personnels, et qui doivent également faire l’objet de discussions préalables avec celles et ceux qui sont en charge de leur mise en œuvre.

Mulhouse, le 4 mai 2020

Par les élus au CT de la CGT SPIP 68 et du SNEPAP FSU