TRAVAIL D’INTERET GENERAL ou TRAVAIL D’INTERETS PRIVES ?

Alors que les annonces du gouvernement sur le travail d’intérêt général (TIG) sont imminentes suite à la mise en place d’une mission ministérielle, la CGT insertion probation, représentative des personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation, nourrit de grandes inquiétudes !

communiqué travail intérêt général

Des intentions gouvernementales très éloignées de « l’intérêt général »

La CGT insertion probation a été entendue par cette mission « TIG », confiée fin décembre 2017 par Édouard Philippe à Monsieur Paris, député de la Côte d’Or et Monsieur Layani, président de Onepoint, une start-up à la « pointe du numérique ».

L’objectif présenté est celui de « dynamiser le TIG », de réfléchir à la mise en place d’une plateforme numérique à la préfiguration de l’Agence nationale du TIG annoncée début novembre par Emmanuel Macron et enfin, à l’extension en tant que lieux d’accueil de TIG aux entreprises du secteur marchand.

Cette mission vient compléter les 5 chantiers Justice dont les conclusions ont été rendues le 15 janvier dernier et dans un contexte général d’un rouleau compresseur appelé programme action publique (CAP 2022). Ce qui se profile sur la peine de travail d’intérêt général est dans la droite ligne du programme libéral du gouvernement : mirage du numérique, politique d’austérité, privatisation de missions de service public, « marchandisation » de la précarité.

Des méthodes tout aussi éloignées de l’intérêt général

Sur la méthode, encore une fois, nous avons été conviés au dernier moment à ce type d’audition dans des conditions niant toutes les règles du dialogue social : sur un temps de rencontre limité et sans document de travail, comme par exemple la lette de mission.

Le gouvernement s’inscrit bien ici encore dans une logique de marginalisation de l’action syndicale.

Pourtant, nous abordons là les compétences mêmes des instances de dialogue social : organisation de service, évolutions technologiques ayant un impact sur les pratiques professionnelles, missions. Pourtant, ce sont bel et bien les personnels des SPIP qui mettent en œuvre au quotidien cette peine et dont la parole doit être prise en compte et pas simplement recueillie pour donner l’illusion d’un dialogue social.

Si la CGT insertion probation a pensé qu’il était important de faire entendre nos positions à cette mission et relayer la parole des terrains sur la question du Travail d’intérêt général, nous avons décliné l’invitation à une journée de « co-construction ». Nous n’avons pas participé à cette mascarade entre « geeks », il ne faut pas pousser ! Il n’y a qu’à voir la video sur ce « hackaton »[1] pour comprendre qu’il ne s’agit là que d’enfumage et d’opération de com’ au bénéfice d’intérêts privés et non de l’intérêt général.

Le travail d’intérêt général : une opération de com’ « écran de fumée »

Il est nécessaire de rappeler les fondements du travail d’intérêt général. Peine créée en 1983, elle consiste en l’exécution d’un travail non rémunéré au bénéfice de la collectivité, association ou entreprise à vocation publique dans un objectif éducatif, de réparation et de réinsertion. Les travaux d’intérêt général représentent 7% des peines prononcées et 20% des peines de milieu ouvert.

Alors que le gouvernement s’engage dans une course sans fin d’extension du parc carcéral et également du filet pénal, il cache cette politique répressive et sécuritaire derrière un écran de fumée pseudo-progressiste. La communication autour du travail d’intérêt général en est un des axes de communication au risque de dénaturer l’esprit de cette peine. Le travail d’intérêt général peut être une alternative à la prison mais dans bien des cas cette peine concerne des publics jamais condamnés et pour des délits mineurs qui n’ont aucunement leur place en prison. Faire croire que le développement du travail d’intérêt général réduira la surpopulation carcérale est un véritable mensonge !

Les réalités du travail d’intérêt général : un autre écho sur les terrains

Les personnels des Services pénitentiaires d’insertion et de probation chargés d’accompagner les personnes majeures condamnées à un TIG s’impliquent au quotidien pour que l’exécution de cette peine puisse avoir le plus de sens possible et soit la plus adaptée à la situation de la personne à travers un partenariat sur chaque territoire. Ils n’ont pas attendu Emmanuel Macron pour innover. C’est à l’administration et au Ministère de valoriser leur savoir-faire et leur donner pleinement les moyens d’exercer leurs missions.

Les réelles difficultés autour du TIG sont dues principalement aux politiques d’austérité et de casse des services publics qui se traduisent par :

– le manque de moyens (véhicules de service, crédits d’insertion), les charges de travail au sein des SPIP pour l’ensemble des personnels (administratifs, travailleurs sociaux et cadres) mais également des services d’application des peines (magistrats, greffiers, administratifs) ;

– la désertification des services publics dans les secteurs ruraux ;

– les conditions de travail déplorables et les baisses d’effectifs au sein des collectivités publiques allant jusqu’à la disparition de certains métiers comme par exemple les garde champêtre ;

– la réforme territoriale et les ruptures d’égalité sur le territoire avec des régions peu enclines à soutenir la réinsertion des publics précarisés ;

– les coupes budgétaires et la fin des contrats aidés qui fragilisent les associations d’utilité publique ;

– les réformes drastiques au sein d’entreprises exerçant des missions de service public comme la SNCF, la Poste ;

– les conséquences de Vigipirate : les pompiers, la police et la gendarmerie n’accueillent plus de « tigistes » faute d’effectif pouvant encadrer les « tigistes ».

Et toute cela sans compter que cette peine peut être prononcée pour des personnes handicapées, retraitées ou qui ont un emploi, rendant ainsi sa mise en œuvre impossible ou très complexe, quand ce n’est pas le nombre d’heures trop important qui vient grever le peu de sens que l’on parvient à mettre avec aussi peu de moyens.

Ce ne sera pas en privatisant sa mise en œuvre et sa coordination et en en faisant un « marché lucratif » que le travail d’intérêt général répondra aux besoins des publics concernés et de la société.

Ce n’est pas non plus en transformant le TIG en un travail « forcé » au bénéfice d’entreprises privées que la vocation éducative de cette peine sera remplie.

Les solutions sont pourtant simples, la CGT revendique :

  • Le renforcement des services publics et du statut général des fonctionnaires, garants de l’intérêt général
  • La reconnaissance des agents du service public de la justice et la pris en compte de leur parole et celle de leurs représentants
  • Le développement des politiques publiques d’insertion
  • La mise en œuvre d’une véritable politique pénale ambitieuse et progressiste

La CGT, aux côtés des personnels, s’opposera avec force aux menaces de privatisation.

Face à ces attaques, la profession a mené une lutte victorieuse en juillet 2014 : elle saura se remobiliser pour défendre les missions de service public et l’intérêt général.

[1] Terme issu de l’anglais Hack (s’introduire dans un système) et du français marathon imaginé par les communautés de développeurs regroupés au sein du mouvement Free Open Source Software. « Les 19, 20 et 21 janvier 2018, Onepoint, Agorize et Start-up inside réunissaient 100 personnes pour imaginer la plateforme numérique de la prochaine Agence Nationale du TIG » https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=1967551183285717&id=218075871566599