Lettre Ouverte à la direction du SPIP 44

http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2020/04/lettre-ouverte-direction-SPIP-44-31-mars-2020-.pdf

Monsieur le Directeur,

Dans ce contexte historique de pandémie mondiale, où le seul mot d’ordre est le confinement et la limitation des contacts au strict minimum, vous avez décidé de mettre la pression sur vos équipes pour assurer des entretiens présentiels pour les arrivants du centre de détention de Nantes.
Vous croyez nécessaire d’imposer aux CPIP qui travaillent en milieu fermé des entretiens en présentiel « à réaliser tous les jours ».
Vous avez pris la décision de convoquer expressément les CPIP du Centre de Détention dans le cadre d’éventuelles mises en œuvre de procédures disciplinaires pour refus d’obéissance.
N’avez vous pas entendu le Président de la République, le Premier Ministre, les recommandations du monde médical. N’avez-vous pas pris conscience du danger ? Il est de notre devoir de citoyen de ne pas propager ce virus. N’êtes-vous pas conscient des risques, n’avez-vous pas entendu la situation des Ehpad ? Ne faites-vous pas le parallèle avec la situation d’un établissement pénitentiaire, milieu fermé où la promiscuité présente un risque sanitaire élevé ? N’avez-vous pas pas eu connaissance des derniers chiffres des détenus et personnels contaminés au sein de notre administration? L’épidémie est belle et bien là et gagne du terrain en détention.
Notre DAP, lui-même a publié une note le 17 mars 2020, qui met en place un principe de continuité des suivis par courrier qui s’applique également aux arrivants. Un formulaire SPIP a été fait en ce sens. Il est à ce jour rempli par les détenus, les démarches arrivantes sont faites par téléphone, les familles sont contactées si besoin ou demande.
Oui, vous avez mis à disposition une salle plus grande et du gel hydroalcoolique. Qu’en est-il de la désinfection des lieux ? Ou sont les masques et gants dont nous avons besoin pour nous protéger mais surtout pour éviter de propager le virus en détention ?
Alors cette salle nous l’utilisons pour tout détenu dont la vulnérabilité particulière nous serait signalée. Chaque jour, nous appelons nos collègues en détention pour avoir leur évaluation sur la situation et s’assurer que les détenus nouvellement arrivés vont bien. La communication avec le personnel de surveillance fonctionne, merci à eux de leur compréhension. Chacun à notre place, nous faisons le maximum pour qu’en cette situation le service public continue de fonctionner.
Monsieur le Directeur, nous ne pouvons que vous faire partager notre incompréhension face à votre entêtement à nous envoyer faire des entretiens en présentiel. N’est-il pas de votre responsabilité ou du moins de votre conscience de vous assurer de la sécurité et de la santé de vos agents sur leur lieu de travail ?
Monsieur le directeur , vous avez sous vos ordres, des fonctionnaires qui continuent de venir travailler, d’assurer leurs missions, de faire leur maximum pour le maintien des liens familiaux, l’évaluation des situations, l’aide à la décision judiciaire, pour aménager autant de peines que possible… Peut-être attendez-vous que nous soyons tous en arrêt maladie, touchés à notre tour par le virus? Peut-être attendez-vous que nous fassions valoir notre droit de retrait face à votre mépris pour notre santé ? Vous avez un « doute sur notre implication » ? Regardez donc nos compteurs Origine ! Quantitativement ça vous parlera peut-être. Nous ne comptons pas nos heures pour assurer nos missions même dans le contexte actuel !
Qualitativement, nous essayons de faire le maximum. Une organisation de service a été actée avec une permanence de 1 CPIP par jour pour éviter les contacts dans nos locaux exigus. Malgré cela, nous revenons régulièrement en dehors de nos permanences car nous avons des missions à remplir et que cela nous tient à cœur. Alors comme toujours, nous en faisons plus et cela dans l’indifférence totale de notre hiérarchie.
Ne voyez-vous pas que vos exigences ne sont que pure folie dans un tel contexte ?
Ne comprenez-vous pas que vos agents ont besoin d’être rassurés et soutenus ?
Vous reste-t-il encore un peu de courage pour sortir de l’imposture qui vous mène au processus de culpabilisation de vos agents et d’une conception du devoir d’une autre époque ?
Prenez-vous conscience de votre comportement « bravache » qui consiste à soit-disant mener des entretiens en détention à la place des CPIP ? Entretiens dont on ne tire rien !
Vous voulez un exemple de journée type, en voici un :
Ce jour : – Arrivée au CD – Début de la permanence téléphonique 9h00, les premiers appels ne tardent pas – Lecture rapide des quelques 200 mails de la semaine dernière – Prise de connaissance du cahier de liaison – Plusieurs appels de familles inquiètes qui souhaitent des renseignement sur les possibilité de sorties. En moyenne, on peut compter 15 minutes par appel et par famille – Finalisation d’un rapport d’aménégement de peine commencé lors de la dernière permanence – Courrier : tri du courrier des absents, réponses aux courriers des détenus: comptez a minima 1h30 – Demande de la hiérarchie de voir un arrivant : ce dernier a déjà renvoyé le formulaire SPIP. Pas d’urgence sur sa situation, pas de signalement de vulnérabilité par la détention. Sa famille a déjà été
contactée, il sort bientôt, la prise en charge est assurée. Le travail est fait ! – Nous perdons du temps à expliquer cela par téléphone et mail à la hiérarchie – Plusieurs démarches sont réalisés pour assurer la continuité du service pour les collègues absents
Nous rappelons que l’organisation du service est dégradée avec un minimum d’un CPIP par jour.

  • Pause déjeuner obligatoire : 45 minutes – Nouveaux courriers du jour à traiter – Liste des propoposables à la LC et LSC nous a été transmis. Une charge important de travail se profile au niveau administratif – Démarches pour adresse des sortants et futurs libérables, redaction de notes APPI pour la JAP, mails à la hiérarchie, à la direction de l’établissement, au greffe – Prise de connaissance des RPS et LSC pour les prochaines CAP – Se rendre au greffe, vérifier si les justificatifs ont été transmis par les détenus – Rédaction des avis urgents – fin de la permanence téléphonique vers 18h – Un 2ème tapport d’aménagement de LC – Mise à jour du cahier de liaison – Un 3ème rapport d’aménagement de peine – Transmission d’informations à la direction de l’établissement – FIN DE LA JOURNEE : 20h30 ! – Il faut encore compter le temps de trajet

Et vous osez venir nous demander des explications ? Vous osez menacer de sanctions des agents qui œuvrent au maintien du service public pénitentiaire ?
Nous vous demandons comme toujours de reconnaître que le travail de vos équipes est bien fait. Notre priorité aujourd’hui est d’évaluer les situations et de faire des propositions de sorties anticipées afin de limiter la crise sanitaire en détention en favorisant les sorties et en limitant les contacts. Nous ne demandons pas grand chose, rien qui ne vous coûtera cher : de la reconnaissance et du soutien. Vos décisions d’aujourd’hui laisseront des traces dans vos équipes.
Si vous tenez à ce que nous assurions une présence physique pour les arrivants alors donnez nous des masques et des gants, car le DAP lui même précise que les masques fournis à l’administration pénitentiaire sont également et évidemment destinés aux personnels d’insertion et de probation que se trouvent dans l’obligation d’effectuer des entretiens présentiels, et assurez vous que les locaux sont désinfectés régulièrement : c’est un minimum ! Oui Monsieur le Directeur, l’ultime priorité c’est la santé de tous en plein pic de pandémie. Oui Monsieur le Directeur, les CPIP respectent la note DAP du 17 mars, et ils vous conseillent de vous y conformer également. Oui Monsieur le Directeur, dans ce contexte de crise sanitaire majeure, nous maintenons le cap de notre mission avec l’autonomie que nous confère la loi, là ou il est encore possible d’œuvrer.

La CGT SPIP 44 et l’équipe SPIP du Centre de Détention de Nantes