Lancement des états généraux de la Justice : chronique d’un crash annoncé

Annoncés au mois de juin 2021, dans l’opacité la plus absolue vis-à-vis des personnels et de leurs représentant.e.s, les États Généraux de la Justice (EGJ) ont fait l’objet d’un «lancement», terminologie jusqu’alors réservée au milieu publicitaire mais dorénavant applicable au «produit» Justice, à Poitiers le 18 octobre.

La CGT IP, conviée 3 jours plus tôt, a tout de même répondu à l’invitation, curieuse de connaître les contours de l’exercice mais aussi pour marquer sa volonté de prendre toute sa place, dans l’intérêt des personnels, de la défense et de la valorisation de l’identité et des compétences des SPIP. Car si la Justice parvient à fonctionner malgré le manque de moyens, c’est bien par l’investissement et le sens du service public des agent.e.s. La CGT le rappellera autant que nécessaire, n’en déplaise aux discours populistes ou à visée électoraliste.

http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2021/10/Lancement-des-Etats-Generaux-de-la-Justice-chronique-dun-crash-annonce.pdf

Marquée par le peu de détails donnés par le Président de la République sur le contenu, le cadre, les participant.e.s ou les suites qui y seront données, cette présentation nous laissait déjà dubitatifs, sur la place réservée aux questionnements SPIP et pénitentiaires (tant les 1ers éléments semblaient focalisés sur les services judiciaires), aux professionnels et aux OS représentatives ou encore sur la neutralité énoncée de la consultation.

Les réponses, pour le moins décevantes pour ne pas dire méprisantes, n’ont pas tardé à nous être donnée, lors d’une nouvelle réunion le 20 octobre réunissant les organisations syndicales représentatives des personnels.

2 jours à peine après le lancement hyper médiatique, point de Président de la République ou de garde des sceaux, premier indice de la considération portée aux organisations syndicales et à la voix des personnels dans cet exercice de communication.

L’objectif de ces EGJ serait donc de comprendre la place de la Justice aujourd’hui dans la société française, de renouveler le dialogue citoyen sur les questions de justice afin d’améliorer l’institution judiciaire et son fonctionnement. En somme, engager les réformes «nécessaires» pour rétablir la confiance des citoyen.ne.s dans la Justice.

Étrange comme démarche quand on sait qu’un projet de loi pour la confiance dans la Justice est sur le point d’être adopté. Projet de loi, rappelons le, élaboré sans concertation aucune, déjà…

Énième désillusion même si cela s’inscrit dans la logique de ce gouvernement : de deuxième réunion de travail il n’y aura point. Ces États Généraux ne sont pas mis en place pour améliorer les conditions de rendu et d’exécution de la Justice par et pour les personnels, ou la rendre plus humaine et plus proche des justiciables. Non, ce que cherchent le Garde des Sceaux et le Président de la République ce n’est que l’attention médiatique en vue des présidentielles dans une vaine tentative populiste d’éclipser un bilan insipide.

Lorsque ce gouvernement comprendra que pour une meilleure Justice il convient de lui donner les moyens de fonctionner en recrutant plus de magistrat.e.s, plus de fonctionnaires qu’ils ou elles soient greffier.e.s, personnels administratifs ou encore personnels d’insertion et de probation , de porter et mettre en œuvre une politique pénale ambitieuse ayant pour objectif de privilégier l’insertion et l’accompagnement des personnes plutôt que le recours systématique à la détention, de le traduire dans les budgets par le développement de structures d’accueil dans le cadre d’alternatives à l’incarcération, des capacités d’hébergement, de prise en charge sanitaire ou de tout partenariat utile à nos usagers plutôt qu’à la construction d’établissements qui grève un budget déjà maigre, alors et seulement alors des États Généraux auront un sens.

Face au mécontentement de l’ensemble des OS qui dénoncent le mépris le plus total ainsi affiché du Ministère envers ses personnels et leurs représentant.e.s élu.e.s, une tentative de présentation de lot de consolation a été amorcée.

Non les personnels et les OS ne sont pas écartés et pourront participer, mais comme tout un chacun, par le biais des questionnaires proposés sur la plate-forme dédiée et/ou en adressant des contributions écrites aux groupes de travail sélectionnés par on ne sait qui, on ne sait comment et sur la base de on ne sait quoi…aussi ridicule que pathétique et inacceptable ! Encore plus lorsque l’on s’attache un tant soit peu au contenu de ces questionnaires, au prestataire chargé d’en analyser les résultats ou aux groupes de travail qui seront mis en place :

Sur le questionnaire en ligne : pourtant présenté comme un outil totalement neutre, la CGT ne peut que constater le parti pris à peine déguisé d’orienter les termes du débat au travers de questions hyper précises, techniques et fermées.

Les possibilités extrêmement limitées d’argumenter son propos ne peuvent que conduire à une interprétation partisane des résultats.

Sur la possibilité de contributions écrites (qu’elles émanent des OS, des assos ou qu’elles résultent de l’organisation d’ateliers locaux) : comme les questionnaires, elles seront analysées par le prestataire privé et synthétisées pour alimenter la phase suivante dite « d’expertise » et qui consiste en des ateliers nationaux sur 7 thématiques (justice civile, justice pénale, justice économique et sociale, justice de protection, pilotage des organisations, missions/statuts et justice pénitentiaire), composés de « sachant.e.s » et éventuellement de quelques professionnel.le.s. Autant dire que les réponses aux questionnaires ou contributions vont recevoir toute l’attention qu’elles méritent…

Comble de la farce démocratique, un « atelier délibératif composé de 50 citoyen.ne.s (sélectionné.e.s après avoir répondu au questionnaire c’est dire sur quelle base elles ou ils vont être choisi.e.s) sera mis en place. Après que celles ou ceux-ci aient été « éduqué.e.s aux questions de Justice », ils/elles auront alors pour rôle de formuler des propositions concrètes.

Ou lorsque l’on pense toucher le fond on s’aperçoit qu’il en reste à explorer…

Seul élément clair : aucun représentant des personnels ou OS représentative n’y sera convié. Sans doute ont elles /ils raté leur « éducation aux questions de la Justice ».

Les EGJ s’achèveront sur une série de propositions au « comité indépendant » en janvier 2022, qui de son côté fera une restitution définitive au mois de février 2022.

La CGT IP ne peut que dénoncer ces États Généraux de la Justice tels qu’envisagés. Elle ne peut que souligner, elle, l’investissement et le professionnalisme des agent.e.s de ce Ministère, qui chaque jour permettent au service public de la Justice de fonctionner au mieux compte tenu des moyens qui lui sont alloués et aux usagères et usagers de bénéficier d’un service public de qualité.

Puisque la voix des professionnels et de leurs représentants ne comptent visiblement pas pour ce Ministère et ce gouvernement, soyons unis et combatifs pour la faire entendre !

Puisque nous en sommes écartés, invitons-nous, malgré tout, dans les débats pour que la parole des professionnel.le.s s’y invite. Soyons toutes et tous déterminé.e.s à faire entendre une autre voix que celle que le gouvernement compte donner à ces États Généraux.

La CGT IP continuera de se saisir des différentes possibilités qui lui seront offertes pour porter ses revendications et ses propositions pour une justice plus humaine, plus proche des usagères et usagers et plus respectueuse des agent.e.s qui la font vivre !

Soyons combatifs et ne lâchons rien !!