Déploiement anarchique des consignes face aux actes de « récidives » : les digues sautent !

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Depuis plusieurs semaines, les SPIP sont l’objet d’accusations plus injustifiées les unes que les autres. Loin de faire face à ces accusations, la DAP brille par son silence et œuvre en coulisse. Un travail en sous-main dicté par des dépêches du garde des Sceaux qui n’a pour seul objectif que de sur responsabiliser les SPIP et les CPIP et de décharger de toute responsabilité les autorités judiciaires comme les fonctionnaires de police. Le ministère de la Justice s’emploie ainsi à parer à leurs éventuelles carences et dysfonctionnements en exposant ses propres personnels et en dénaturant l’action de nos services plutôt qu’en réaffirmant ses missions et limites de celles-ci.

Le silence assourdissant de la DAP face aux événements médiatiques a pu laisser les professionnels des SPIP dans le désarroi mais génère aujourd’hui de plus en plus de colère et d’incompréhension. Aucune visite aux collègues visés par les inspections, aucune velléité de contrer ou faire cesser toutes les incriminations adressées et aucun soutien exprimé à nos services par le garde des Sceaux.

Le Garde des Sceaux qui affirmait jadis qu’il ne fallait jamais succomber à l’émotion de faits divers pour élaborer la politique pénale n’a démontré aucun geste et eu aucun mot pour ses personnels. Ces marques de « confiance » pourtant élémentaires, il les réserve aux seuls fonctionnaires de police auprès de qui il n’hésite pas à aller, leur témoignant publiquement de son soutien et répondant à leurs attentes sécuritaires.

On nous assure en off du soutien de la direction de la DAP mais ce soutien est resté virtuel : aucune communication aux personnels, aucune communication publique. En revanche, sur les terrains, les effets sont déjà bien concrets puisqu’il est exigé dans un temps record de remplir des tableaux pour vérifier la qualité des prises en charge, voire transférer la responsabilité du service sur chaque CPIP !!! Les personnels administratifs, rarement valorisés ne sont pas plus épargnés ; jamais mis en avant sauf lorsqu’il s’agit de leur déléguer des responsabilités !

A cette marque de défiance vis à vis des agent.es, dont le professionnalisme n’a jamais pu être mis en cause, s’ajoute cette semaine une véritable foire à l’idée la plus inepte ! La surenchère du déploiement de parapluies est lancée :

  • Fonctionnaires des services de la Justice inspectés par des membres du ministère de l’Intérieur, incompétents sur leurs métiers et leurs missions,
  • Demandes de relances aux tribunaux sur des documents déjà dûment transmis, faisant peser une nouvelle obligation sur les CPIP, les PA et donc les SPIP,
  • Exigences à travailler sans aucune pièce judiciaire, mais dans le même temps à s’assurer, à la place du tribunal qu’un JAP s’est bien saisi du dossier,
  • Consignes de recueil d’informations disproportionnées, représentant une charge énorme de travail, toujours au détriment de la vraie prise en charge pour laquelle les moyens nous manquent déjà,
  • Consignes de prises de contact hors de tout cadre réglementaire avec les victimes, tout au long du suivi ce qui peut conduire à des traumatismes importants pour les victimes comme à de possibles représailles envers les personnes détenues,
  • Intervention des cadres dans le dos des CPIP pour transmettre des documents directement aux parquets, hors de toute procédure judiciaire,
  • Accès galopant à APPI par des personnels hors SPIP et transmission probable d’écrits couverts par le mandat judiciaire et le secret professionnel
  • Création ex nihilo d’astreintes soirs et week-end  pour tous les DPIP de France, énième délégation et transfert de responsabilité des DFSPIP vers les DPIP, ne pouvant à terme que conduire à un clivage entre équipes et DPIP.

Cela, alors que les conclusions des différentes inspections n’ont pas encore été rendues publiques. Et pendant ce temps-là pas la moindre réunion, ou comité technique pour évoquer cette question ! Pire, quand les représentants demandent à être informés des suites, ils sont renvoyés aux résultats d’une des inspections qui devraient arriver le 10 juin ! Quel cynisme !

S’il est assez tôt pour transmettre des consignes aussi énormes qui fracassent missions et organisations dans les services et qui induisent une responsabilité infondée, alors il est assez tôt pour engager le dialogue avec les représentant.es élu.es des personnels !

D’autant que les réunions à la DAP, ne manquent pas en ce moment : autant d’instances où sont présentés des projets absurdes, qui tordent les textes réglementaires et au cours desquelles l’administration refuse tout amendement des organisations représentatives des personnels.

Le dialogue social, c’est quand ça vous arrange !

=> La CGT IP exige une rencontre immédiate entre les élu.es, le Ministère et la DAP pour évoquer et limiter les conséquences et les orientations prises dans l’impréparation et en dépit du bon sens suites aux récentes affaires médiatiques.

=> La CGT IP dit STOP ! Nous ne laisserons pas la peur des médias ou les campagnes électorales détruire nos métiers, nos missions et salir l’intégrité, la compétences et l’investissement des personnels. Nous ne laisserons pas les SPIP sombrer dans le caporalisme le plus extrême. 

=> La CGT IP refuse de participer à un dialogue social de façade pendant que sont diffusées des consignes qui mettent à mal les pratiques quotidiennes dans le dos des agent.es comme de leurs représentant.es.

=> La CGT IP appelle les collègues à exiger partout la tenue de Comités techniques locaux sur ces consignes. Nous appelons les collègues à résister aux demandes indues de l’administration et à ne pas répondre à la commande lorsqu’elle a pour nul autre effet que de faire peser sur les seules épaules du SPIP la responsabilité de tous les maux. On ose vous dire que ces consignes ont pour but de vous protéger. C’est faux, elles ne font que vous exposer encore davantage. Rappelez-vous cher.es collègues, demain tout ce que vous écrirez dans APPI pourra être retenu contre vous!

=> La CGT IP appelle les cadres à se réveiller ! Vous n’avez pas choisi ce métier pour finir en simple courroie de transmission, jour et nuit, soir et week-end, des peurs de la DAP et des DI ! La peur n’évite pas le danger, bien au contraire elle y contribue. Soutenez vos équipes, défendez nos missions, refusez le transfert de responsabilités des DFSPIP, magistrats et parquetiers mais demandez des moyens ! Soyez les garants des procédures et de la bonne santé morale des personnels ! C’est en soutenant les équipes que vous défendrez vos intérêts et que nous pourrons, personnels de tout corps mais des mêmes services attaqués, entrer en résistance.

Pour la CGT IP, le message est clair : la direction de l’Administration Pénitentiaire, en déployant toutes ces consignes dans l’urgence, fait définitivement sauter les digues ! Ces digues protègent les SPIP de certains abus des partenaires institutionnels, comme les personnels de mises en cause individuelles dans des dossiers difficiles et sensibles. Elles garantissent la place et le respect des missions de chaque intervenant dans la chaîne pénale. Elles permettent de ne pas céder à l’illusion d’une réponse pénale privilégiant l’incarcération à un suivi en milieu ouvert plus prompt à prévenir la récidive. Elles permettent d’établir un lien de confiance avec la personne suivie, indispensable à une prise en charge de qualité. Elles permettent enfin à chacun de quitter le service le soir parfois anxieux, souvent épuisé mais avec le sentiment du devoir fait, au mieux des moyens mis à sa disposition et sans la crainte de se voir mis au banc des accusés dès qu’une personne suivie récidive.

A l’inverse faire céder ces digues n’apporte aucune amélioration dans la qualité de la prise en charge de nos publics puisque la question des moyens, la seule dont il est démontré qu’elle ait un sens, cette question n’est posée à aucun moment. Ni dans l’urgence, ni jamais.

Les attaques doivent cesser : le service public pénitentiaire ne repose que sur l’engagement quotidien de ses agent.es sans cesse mis à mal.

Les SPIP craquent : ils ne peuvent déjà plus faire face mais voient sans cesse arriver de nouvelles exigences sans moyens humains et partenariaux à la hauteur des besoins.

Les solutions doivent émerger rapidement : par un travail sérieux sur les organigrammes de référence, la priorisation des taches en vertu du CPP et la reprise des groupes de travail sur les risques psychosociaux.

Résistons toutes et tous ensemble à cette marée destructrice

Défendons la complexité de nos métiers et notre professionnalisme

Décidons de ne pas accepter et refusons ce versant tout sécuritaire !

Montreuil, le 4 juin 2021