COMMUNIQUE DE PRESSE CGT BAPAUME : MOURIR EN PRISON

Suite aux alertes lancées par des personnels du Centre Pénitentiaire de Bapaume, une délégation de la CGT s’est rendue sur place pour une visite de l’établissement, une rencontre avec l’équipe du service pénitentiaire d’insertion et de probation et une audience auprès de la direction de l’établissement et du SPIP. Depuis des années, cet établissement est le théâtre de difficultés maintes fois dénoncées sans réponse à ce jour. Sauf que depuis quelques mois, la situation est devenue tellement déplorable que les cris d’alarme se multiplient.

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La situation est dramatique car elle met en danger la sécurité et la santé des personnes détenues, portant ainsi atteinte à leur dignité et à leur intégrité physique et morale, ce qui est totalement contraire aux droits fondamentaux. En effet, le décompte macabre révèle que de nombreux dysfonctionnements entre le service sanitaire et médical et l’administration pénitentiaire entraînent la mise en péril constante du public qui nous est confié :

  • Est-il acceptable de laisser une personne dans un état sanitaire tel que cela frôle la maltraitance ?
  • Est-il acceptable que cela revienne au service social d’aller acheter des changes à la place du service médical ?
  • Est-il acceptable qu’une personne détenue se voit diagnostiquer un cancer généralisé lors d’un séjour à l’hôpital (UHSI) malgré des plaintes récurrentes en détention  ?
  • Est-il acceptable de mourir deux jours après sa sortie alors même qu’aucun diagnostic n’a été fait avant ?
  • Est-il acceptable de mourir en détention alors même qu’une suspension médicale aurait au contraire permis de mourir dans la dignité ?

A ces questions, la CGT répond : NON ! Ça suffit !

Combien de personnes détenues dans cet établissement devront attendre de mourir dans des conditions indignes, l’isolement et l’indifférence faute de prise en charge médico-sociale adaptée et de perspectives, pour que les autorités et les institutions compétentes réagissent enfin ?

A ce jour, la réponse a été un projet d’établissement baptisé « bien vieillir en prison ». Ce nom de baptême est à lui seul un terrible constat d’impuissance face aux logiques qui prévalent ici. Même si la CGT a bien entendu que les directions d’établissement et du SPIP ont effectué de nombreuses démarches pour tenter de remédier à cette situation déplorable (auprès de la préfecture, du centre hospitalier d’Arras, auprès de l’agence régionale de santé): rien ne bouge ! A croire que la santé de personnes détenues n’intéresse personne !

Pourtant lors de cette rencontre la CGT n’a pu que constater la grande souffrance du personnel face à cette impuissance et cette situation déplorable : personne ne peut supporter de voir et d’assister sans pouvoir agir face à la maltraitance et l’indifférence !

Il faut que cela cesse ! Il appartient à l’administration pénitentiaire de mettre un terme à cette atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues et ainsi de tout mettre en œuvre pour que la situation sanitaire et médicale à Bapaume soit radicalement améliorée, sans quoi elle en serait responsable !

A ce jour les effectifs et les moyens du SPIP sont catastrophiques : 4 travailleurs sociaux actuellement en activité sur un effectif de 7 alors qu’il faudrait au moins 11 postes pour la prise en charge des 530 personnes détenues, quasi inexistence de partenariat adapté à cette population spécifique (personnes âgées et malades) : absence de correspondant de la CPAM, absence de correspondant retraite, absence de correspondant CAF. Comment imaginer préparer une sortie digne de ce nom dans de telles conditions ?

Cette situation inacceptable, résultat d’un modèle de gestion carcérale qui a manifestement atteint ses limites et de la passivité des politiques publiques, doit cesser. Les moyens doivent être donnés pour préparer activement le retour à la vie libre des détenus de Bapaume, en commençant par exiger de tous les acteurs concernés qu’ils se mobilisent enfin ensemble pour répondre aux exigences de prise en charge qui sont les leurs. Il est également temps de redonner leur place aux personnels et de leur permettre d’exercer leurs missions dans des conditions normales.

CET ETABLISSEMENT POUR PEINE, PAS PLUS QU’UN AUTRE,

N’A VOCATION A DEVENIR UN MOUROIR !

Les personnels de Bapaume n’ont pas non plus vocation à se substituer aux carences des services de droit commun, ni à être les réceptacles de la détresse qu’elles font peser sur la population pénale de l’établissement.

Depuis des années, la CGT ne cesse d’alerter le Ministère de la Justice sur les dangers de l’absence de tout débat sur les « longues peines » en France. Depuis 2009 et la loi dite « pénitentiaire », les politiques se sont concentrées sur l’aménagement des « courtes peines » et la sécurité des établissement comme moyens de gérer une surpopulation carcérale endémique à moindre coût. Cette vision à court-terme faite pour répondre à la pression du chiffre et à la carences des moyens mis à disposition pour préparer le retour à la vie libre des condamnés, a laissé le terrain des longues peines en friche et à la merci des discours populistes qui ne manquent pas de ressurgir dès lors qu’une tragédie survient en période électorale.

Pour que le projet de cet établissement ne devienne pas de fait « mourir en prison » pour une population pénale ignorée de tous et coupée du monde, il est plus que temps de repenser totalement la question de la prise en charge des « longues peines » et de revoir en profondeur un mode de gestion de la population carcérale qui a ici atteint ses limites de façon caricaturale.

Laisser perdurer cette situation inacceptable n’est pas juste une « question de moyens » : c’est fondamentalement une QUESTION DE DIGNITE.

LE DECOMPTE MACABRE DOIT CESSER A BAPAUME

Montreuil, le 2 décembre 2015