COMITE TECHNIQUE DU 28 JUIN 2022 : DECLARATION LIMINAIRE

http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2022/06/DL-2806.pdf

M. le Président,

En ouverture de cette déclaration liminaire, la CGT IP tient à faire part de sa profonde inquiétude face aux récentes prises de positions de la Cour Suprême des Etats Unis sur la question du droit à l’avortement. La CGT IP a à de nombreuses reprises rappelé son attachement aux valeurs féministes, mais également aux libertés individuelles et fait part de ses inquiétudes sur toutes ces directives, notes, lois qui petit à petit viennent saper les fondements de notre état de droit. La récente attaque, inouie, contre le droit à l’avortement aux Etats Unis doit être vécue comme un électro-choc dans toutes nos sociétés. Aucun progrès obtenu n’est définitif, et chacun.e doit être prêt à se battre pour ses droits, y compris ceux qu’on pensent être inaliénables.

Vous présentez à l’avis des représentants des personnels un projet de décret mettant en musique les dispositions de la loi confiance concernant les réductions de peine et la Libération sous Contrainte. La CGT IP ne peut que renouveler ses alertes restées inentendues au moment du vote de la loi : ce texte va engendrer une hausse du nombre des détenu.e.s. L’étude d’impact parle de 8000 à 12000 détenus de plus. Où allons nous les mettre M. Le Président ? Quels recrutements sont prévus pour faire face à une hausse de 10 à 15% du nombre de détenus ?

Cette loi va également compliquer fortement les projets de sortie, et par là même il va ajouter de la colère dans les détentions. M. Le Ministre restera responsable d’avoir préféré servir la soupe à une officine policière à la dérive plutôt que d’écouter le consensus de l’ensemble des personnes spécialisées dans le domaine de l’application des peines.

Pour une fois qu’une disposition règlementaire fonctionnait et était accepté unanimement, il aura fallu la supprimer !

Le décret présenté, où les arbitrages perdus par la DAP au profit de la DACG apparaissent trop clairement, ne corrige pas les principaux défauts de la loi dite Confiance, mais pire, les aggrave parfois. Incroyable de voir tout ce qu’un chef d’établissement peut notifier à une personne détenue ! Incroyable de voir que même le SPIP peut se substituer au service de l’application des peines pour notifier aux personnes leur emprisonnement ou non ! On sait que les services de l’application des peines et les parquets sont en difficulté, à peu près autant que les greffes pénitentiaires et les SPIP ! Quand arrêterons-nous de jouer au ping-pong en transférant des charges des uns aux autres, au mépris des missions, du bon sens et de la logique des institutions ?

La Loi Confiance est une loi répressive de plus. Le décret présenté aujourd’hui en rajoute une couche en omettant purement et simplement de préciser quels sont les critères précis imposant l’octroi des réductions de peine mais en décrivant en long en large et en travers les manières de se les voir retirer ! Les maisons d’arrêt vont rapidement craquer avec des textes pareils !

Second point à l’ordre du jour : Point d’information sur la délégation territoriale de la MOM dans l’Océan Indien.

La CGT IP ne s’oppose pas à l’expérimentation que vous souhaitez mener avec la création d’une déléguée territorial pour la région Océan Indien. Nous serons vigilants sur plusieurs points néanmoins : il doit bien s’agir d’une expérimentation, avec de vrais bilans et potentiellement il faudra savoir assumer si l’expérience s’avérait être un échec.

En effet, dans une DAP toute pyramidale, vous ne faites somme toute qu’ajouter encore un échelon hiérarchique, là où l’empilement est déjà bien conséquent. A force d’empiler, il ne faudrait pas que ça tourne au Jenga !

Pour finir, la CGT IP a pris l’initiative de demander l’ajout de trois points parmi les nombreux sujets d’importance, à l’ordre du jour :

– nous avons sollicité une discussion sur les conclusions des états généraux de la Justice. Le président de la république recevra vendredi 8 juillet le rapport des mains de M. Sauvé. La CGT IP a pu comme toute la France constater que la presse a déjà eu connaissance de l’essentiel du contenu de ce rapport. Et le moins qu’on puisse dire c’est que ces soit-disants états généraux ont été à la hauteur de notre défiance.

M. le Président, la CGT IP attend que vous soyez enfin de notre côté pour faire rempart à la perte de sens de nos missions, à la privatisation et pour la défense du service public de la justice ! Nos craintes sont réelles, tout comme les menaces.

– autre point ajouté à l’ordre du jour à notre demande : l’accès au droit des personnes détenues. On ne sait par quel tour de passe-passe, l’Agence du TIG et de l’emploi en détention a récupéré une compétence sur la question de l’accès au droit des publics. Où s’arrêtera-t-elle ?

Dans des détentions où la moindre démarche est un réel parcours du combattant, pour les détenu.e.s comme pour les agents du SPIP qui les accompagnent, ce sujet est pour nous la condition première et indépassable de la réinsertion des personnes détenues. L’ATIGIP escamote une des deux missions essentielles de la DAP : la réinsertion, sur laquelle votre adminsitration s’est déjà fait épingler. Nous attendons donc de la DAP qu’elle prenne, elle même, à bras le corps ces sujets !

– Enfin, nous avons demandé un point d’étape sur les protocoles FSI/SPIP concernant les violences conjugales, suite aux conclusions de l’inspection des services judiciaires. Ces protocoles commencent déjà à se décliner sur tous les services, avec des prises de position problématiques dans certains services. Du côté de la DAP, on ne voit toujours rien venir pour remettre un peu d’ordre dans le grand n’importe quoi qu’on voit un peu partout.

M. Le Président, dans toutes les affaires récentes de violences conjugales, il a été établi que le SPIP avait correctement fait son travail et alerté les autorités dans les situations de danger. Nous attendons de notre administration qu’elle sécurise la pratique de ses agents, pas qu’elle laisse faire les directions qui bradent leurs services au profit des missions de police et des parquets. Si on ne peut que s’accorder sur l’intérêt d’échanges constructifs entre les différentes administrations, ceux-ci doivent se faire dans le respect de l’identité professionnelle, des possibilités et des missions de chacun. Le SPIP ne peut pas, ne doit pas devenir un auxiliaire de police judiciaire.