DEPLOIEMENT DU RPO1 tout azimut et sans homogénéisation entre DISP. Les repères revendicatifs de la CGT

A l’heure du déploiement pour le moins incohérent du 1er Référentiel des Pratiques Opérationnelles (RPO) dans les services qui fait suite à une campagne de formation de l’encadrement à ce document, la CGT estime nécessaire de rappeler quel est son positionnement vis-à-vis de celui-ci.

Ce positionnement semble d’ailleurs aujourd’hui en partie partagé par la DAP.

Si la Sous-direction des Métiers et le DAP lui-même reconnaissent que ce RPO 1 devait être diffusé dans les services, ils partagent notre vision :

Communiqué version pdf : RPO1 les repères revendicatifs de la CGT-15102018

Le RPO 1 induit de nouvelles méthodologies et ne rassemble aucunement les pratiques existantes au sein des SPIP.

Les méthodologies exposées dans ce RPO1 ne sont aucunement obligatoires, il ne s’agit pas de contraindre les professionnels à réviser leurs pratiques mais de les étoffer.

L’utilisation d’outils d’évaluation n’est pas arrêtée, il ne s’agira ni d’un outil unique, ni d’un outils obligatoire : plusieurs outils seraient envisagés et leur utilisation (ou non) resterait au choix de l’agent afin de constituer une plus-value ou une aide supplémentaire au suivi défini par le CPIP par son jugement clinique de professionnel.

Malheureusement, à l’heure où la DAP semble avoir évolué et tiré les leçons de l’échec des expérimentations des outils PREVA, les DISP foncent, elles, tête baissée, vers une imposition aux agents d’une partie du RPO, leur expliquant au passage que le travail accompli jusqu’à maintenant devait être balayé.

 

Rappel de notre positionnement 

Si la CGT a déjà longuement communiqué ses positions, elle tient à rappeler dans quel cadre elle s’est inscrite :

Sur la forme :

Issu d’une direction de projet installée en son temps par Isabelle Gorce, le RPO se voulait ambitieux : après consultation des terrains, groupes de travail avec les organisations syndicales, discussions en CT-SPIP, il devait recenser les pratiques professionnelles en cours, et celles attendues au regard des Règles Européennes relatives à la Probation.

Pourtant, cette mission n’aura jamais écouté les terrains, jamais analysé leurs remontées, comme elle n’aura jamais pris en compte les (très) nombreuses contributions de la CGT.

 

Sur le fond :

La CGT est pour tout ce qui enrichit les pratiques professionnelles : la CGT ne peut pas dire que les courants de la criminologie anglo-saxonne ne parlent pas aux professionnels des SPIP ; la CGT ne peut pas les balayer d’un revers de main, et ne s’est jamais montrée opposée à leur enseignement ni à l’apport qu’ils peuvent constituer dans la construction d’une « probation à la française. »

En revanche, la CGT le dit et l’affirme : les pratiques aujourd’hui à l’œuvre dans les SPIP sont riches, et rien ne vient soutenir leur soi-disant amateurisme ou inefficacité ; il eût été honnête de partir de l’existant et du cadre législatif et réglementaire, pour repositionner fortement les SPIP sur ses missions – qui restent et demeurent une prise en charge socio-éducative sous mandat judiciaire. Tout ce qui, par la suite, permettait d’enrichir les pratiques, tous les enseignements de ce qui se fait ailleurs, des courants idéologiques existants, de la recherche française autour de la probation, des méthodologies du travail social, des techniques d’entretien et d’évaluation, etc., étaient alors les bienvenus.

Pour la CGT, il s’agissait avant tout d’ajouteret pas de remplacer !

Or le RPO 1 tel que déployé aujourd’hui n’est en aucune manière ce qui se fait : personne, dans les SPIP, ne travaille tel que voulu par ce référentiel, qui dans son fond veut substituer et plaquer sans aucune réserve un modèle venu d’ailleurs sans qu’il soit dit qu’il nous convienne, et qui s’habille des atours de la science pour s’imposer sans discussion. Le RPO 1 n’est ainsi construit que par le prisme du modèle RBR et de ses dérivés – et exclusivement. A ce savoir-faire s’ajoute un savoir-être qui, là aussi, pouvait se dire et s’exprimer autrement qu’en anglais…

  • Asseoir le positionnement des professionnels,
  • Les outiller dans le respect des règles déontologiques de base,
  • Renforcer ainsi la reconnaissance de leur expertise,
  • Enrichir ensuite les pratiques par l’apport d’autres courants idéologiques,
  • Être conscient aussi de leurs limites

Voilà le travail qu’a voulu mener la CGT durant les discussions sur ce RPO, et voilà tout ce que l’administration a balayé !

Le « risque » avec ce RPO1, c’est bien de n’accorder de l’importance qu’à la question de l’évaluation 

De devoir recourir à des outils d’évaluation actuarielle pour toute personne dont le suivi nous est confié, peu importe ses situations sociale, familiale et matérielle et peu importe l’infraction, la mesure ou la personnalité de l’auteur.

Pour la CGT il est illusoire de regarder cette méthodologie uniquement comme une science incontestable sur laquelle il faut plaquer l’intervention du SPIP. C’est se leurrer que de penser approcher du risque zéro avec ces outils et statistiques. Leur fondement scientifique est largement critiqué par le monde universitaire et leur utilisation généralisée fera exploser les charges de travail au détriment de la relation avec la personne et du suivi. Pour la CGT si l’évaluation est importante elle ne doit se faire qu’au service de la réalisation d’un accompagnement individualisé.

La déclinaison actuelle du RPO1 se déroule au détriment des savoirs être professionnels et de la prise en charge

La CGT estime que c’est par un accompagnement au plus près des situations personnelles, seule réelle individualisation de la peine, que la lutte contre la réitération des faits prend son sens.

Notre position est claire : si l’utilisation de ces outils est une option possible, elle doit se faire au cas par cas, en complément des pratiques professionnelles qui sont les nôtres, et au sein desquelles l’évaluation sociale existe déjà. Au-delà de cette lubie de l’utilisation exclusive d’outils, l’efficacité de nos prises en charge ne peut se réfléchir sous le seul angle de l’évaluation :  les savoirs être professionnels inclus dans le RPO ne peuvent être balayés, d’autant qu’ils sont reconnus comme le fondement indispensable à l’efficacité de notre intervention.

Dans la même idée, la CGT le réaffirme, la prise en charge tout au long de la mesure, mais également l’orientation et le travail conjoint avec nos partenaires sont les éléments essentiels à l’impact de notre intervention, principes absents du RPO1.

Montreuil, le 15 octobre 2018

Pour aller plus loin :

cf. Journal « Les risques de l’évaluation » : http://www.cgtspip.org/politique-penale-les-risques-de-levaluation/