CGT SPIP : Répression syndicale Article paru dans le journal Fonction Publique

L’administration pénitentiaire a décidé de santionner disciplinairement une camarade CGT qui s’est exprimée dans les colonnes de l’Humanité sur des grilles d’évaluation du risque de radicalisation. Une sanction qui s’inscrit dans un contexte général de répression du mouvement syndical par le gouvernement.

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Mylène Palisse est travailleuse sociale, n’en déplaise à son administration.

Syndicaliste de surcroît, à la CGT en plus, elle n’est pas de celles qui s’écrasent sous le carcan de l’omerta pénitentiaire.

Elle est conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Tarbes. Ce qui la motive dans son métier, c’est qu’à contre-courant de la pensée dominante, elle considère, humainement, que tendre la main aux délinquants ou aux criminels, sans nier la responsabilité qui leur incombe, c’est offrir une chance à tous. Au condamné lui-même qui, bien que soumis à cer- taines obligations, n’en reste pas moins un citoyen doté de certains droits; à la société dans son ensemble parce qu’of- frir ce service c’est s’assurer d’un risque moindre de récidive.

Mais voilà, les attentats sont passés par là. L’émotion, l’empressement, la confusion, la politique de la peur, etc. tentent de répondre à l’irrationnel par l’irrationnel !

LES FAITS

En avril 2016, Mylène dénonçait cer- taines modalités concernant la préven- tion de la radicalisation des condamnés suivis par le SPIP dans les colonnes du quotidien l’Humanité.

Pour l’administration, sa grille de repérage doit constituer un outil pour « détecter » les individus qui se radi- caliseraient sans mentionner de reli- gion particulière. Inutile de préciser ici que ni les catholiques intégristes ni les juifs orthodoxes, encore moins certains bouddhistes nationalistes, ne sont véri- tablement concernés par ce question- naire. Évidemment dans sa formulation ledit questionnaire ne stigmatise pas une religion plus qu’une autre, il faut faire bonne figure et éviter d’éventuels recours… mais enfin…

L’article de l’Huma titrait ironique- ment Cochez la case djihadiste. Sous en- tendu une forme de repérage ciblé avec des œillères.

Citant différents militants CGT, le papier se concluait sur ces propos de Mylène: « un jeune homme des quartiers

populaires qui se met dans la merde et multiplie les allers-retours en prison. Un jour, il a commencé à se balader en djel- laba. Ma hiérarchie me demande de le signaler. J’ai répondu non. Ce n’est pas mon travail: moi je bosse avec lui pour l’éloigner des drogues, améliorer les rap- ports avec sa famille et l’aider à trouver un boulot. Comment puis-je faire ce travail si je suis identifiée comme agent de rensei- gnement ? »

Il n’en fallait pas plus pour vexer une administration pénitentiaire, furibarde qu’un agent ose critiquer sa méthode ! Convocation chez le directeur interré- gional de Toulouse, remontage de bre- telles, culpabilisation, menaces, etc.

La CGT insertion probation, l’UGFF et la Confédération sont intervernues à tous les niveaux: administration centrale, ministre de la justice. Rien à faire… l’administration et le ministère ont choisi la voie de la procédure disci- plinaire.

Drôle de ministre de la justice qui, il y a peu, ne boudait pas son plaisir quand il s’agissait de se mettre en scène, paré des atours du parangon des libertés pu- bliques.

Ministre qui n’a pas voulu interférer dans ce dossier pour laisser place, dixit, au « débat contradictoire devant l’instance disciplinaire ».

LANCEUSE D’ALERTE

Évidemment l’affaire n’a pas connu un retentissement médiatique aussi puissant que les affaires Air France ou Goodyear.

Elle reste cependant symptomatique d’une période qui n’autorise pas les mili- tants syndicaux à pouvoir s’exprimer ou dénoncer des pratiques abusives. Une répression caricaturale titrait de son côté la NVO dans son enquête du mois de no- vembre 2016 soulignant que la CGT « se mobilise pour obtenir une enquête parle- mentaire ».

Bref, ici aussi, le choix assumé d’un gouvernement qui muselle le droit à l’expression et remet en cause les droits des représentants du personnel.

Bien mise en valeur au travers d’une vidéo humoristique, visible à partir du site cgtspip. org, Mylène Palisse est éle-

vée au rang de lanceuse d’alerte — à chacun ses insignes — par les repré- sentants syndicaux, politiques, militants du monde associatif et journalistes ve- nus nombreux pour la soutenir lors du meeting organisé par l’UGFF et la CGT insertion probation à la Bourse du tra- vail de Paris, le 7 décembre une semaine avant sa comparution.

Le 13décembre, malgré un dossier bien mal ficelé et pour « avoir manqué de loyauté et de discrétion » Mylène a fina- lement comparu devant l’instance disci- plinaire.

Toujours présents, de nombreux mili- tants se sont réunis devant les locaux de l’administration pour exiger le droit à la liberté d’expression et la relaxe pour Mylène, confortés également par une pétition, commune aux organisations, lancée début décembre et qui a recueilli plus de 3 000 signatures.

SANCTION ET RECOURS

Sourde à cette contestation, l’admi- nistration a choisi d’entrer en voie de condamnation et envisage pour Mylène une exclusion de sept jours avec sur- sis. Si la sanction peut paraître symbo- lique, elle n’en reste pas moins inique sur le principe car elle ne se fonde sur rien. Si symbole il y a, il s’agit de celui d’une vieille lune: celui du fonctionnaire simple automate d’exécution, dépourvu de droit, qui n’aurait qu’à se soumettre aux ordres hiérarchiques en se taisant.

« La seule vraie parcelle de pouvoir que l’on a c’est de refuser que l’on m’empêche de penser » martelait Mylène dans sa tri- bune, signée en soutien par un millier de ses collègues.

Impensable en effet tant il est ridicule de s’obstiner à vouloir transformer des travailleurs sociaux, fussent-ils salariés de la pénitentiaire, en supplétifs des agents de renseignement. À chacun son métier !

Mylène et ses défenseurs ont décidé d’utiliser toutes les voies de recours pour contester cette décision. ◆

ARTICLE PARU DANS LE MENSUEL DE L’UGFF-CGT

FONCTIONPUBLIQUE N° 249-250 >> DEC. 2016 — JANV. 2017