Rapport d’évaluation au SPIP 68 : La politique du bâton accompagne celle du tiret

L’histoire des rapports d’évaluation au SPIP 68 débutait par un modèle de fiche diagnostic, créé dans le cadre d’un groupe de travail interne au SPIP, par des agents qui pensaient alors avoir pour mission de concevoir des outils à usage libre par les CPIP.

Version PDF ici

C’était sans imaginer que, quelques mois plus tard, l’autonomie des agents serait balayée par une exigence de respect de la trame diagnostic poussée à l’extrême. Construite sur la base de la fiche diagnostic APPI, elle comprenait donc les 5 cartouches de ladite fiche diagnostic APPI, avec au sein de chaque cartouche différents items. A titre d’exemple, dans la cartouche « situation socio-professionnelle », se trouvaient 7 champs à explorer, listés en tirets, débutant par la « situation familiale / conjugale », et se terminant par « toxicomanie et addictions », en passant par les loisirs, la situation professionnelle, le profil de personnalité, etc. Rien de bien scandaleux en soit….sauf lorsque l’exigence conduit à reprendre chaque sous-titre et tiret dans le rapport, dans l’ordre pré-déterminé dans la trame. Très rapidement, les agents renvoyaient le caractère inadapté de la consigne, notamment lorsqu’elle conduisait à rédiger des rapports aberrants au sein desquels la situation professionnelle d’une personne était envisagée avant que ne puissent être évoqués les éléments empêchant l’accès au travail…. Good Job.

La fronde du Comité Technique Départemental, relayant celle des agents, conduisait la Direction du SPIP68 à enfin lâcher du lest, en autorisant la suppression les sous-titres et tirets, à partir du moment où le contenu était présent, contenu qui devait être accompagné des termes techniques du RPO1 (????). Une aberration lorsqu’il s’agit d’appliquer de telles consignes à une situation précise, ce d’autant que la trame n’avait jamais été validée en CT. Obscures consignes dont certains agents parvenaient tant bien que mal à se saisir.

Parallèlement, la DISP de Strasbourg publiait une trame de fiche diagnostic particulièrement proche de celle créée au SPIP 68. Publication qui allait libérer les énergies créatrices au sein de la Direction du SPIP 68, qui rappelait la nécessité d’utiliser les termes techniques du RPO1, refusant toute validation de rapport qui ne s’y conformerait pas. La rédaction desdits rapports en est alors devenue stressante, voire traumatisante, ce d’autant qu’elle s’accompagne de mails de relance en cas de retard, le découragement face aux « retoquages » bloquant l’envie et la capacité rédactionnelle…Vive le motivationnel !

Tracer les rapports…..

L’imagination de la Direction du SPIP 68 ne s’arrêtait néanmoins pas là, avec l’investissement dans un tampon à double entrée précisant :

« rapport à produire le ………………………….. »

« rapport produit le ……….. ».

Au cas où cela ne suffirait pas, rajoutons des tableaux statistiques que les personnels administratifs sont chargés de renseigner.

Le cas échéant, procéder à un blanchiment de rapport visé tardivement par la Direction….

La Direction du SPIP 68 a semble-t-il quelques difficultés à considérer que le délai réglementaire de trois mois pour rendre la fiche diagnostic s’applique au SPIP, et non pas au seul CPIP. Ainsi, une fois la fiche diagnostic soumise à la Direction, le temps s’arrête, parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant de resurgir par le biais d’un refus de validation parce qu’il manque un mot du RPO1. La technique est éprouvée et éprouvante : le CPIP doit obtempérer, modifier un rapport dans lequel il doit se replonger, puis à nouveau le soumettre à la Direction du SPIP, qui, ô miracle, le valide alors dans les 48 heures. La date de soumission initiale, pourtant dans les délais, disparaît alors pour laisser apparaître une date de soumission bien postérieure… La situation est telle que sur une antenne, à ce jour, des dizaines (!) de fiches diagnostic, dont certaines ont été soumises il y a déjà 6 mois (!!!), sont en stand-by…sans aucun retour aux agents.

Une situation délirante, qui place les CPIP dans des positions impossibles lorsqu’ils sont ensuite sollicités par l’autorité judiciaire pour rédiger des rapports qui l’ont déjà été, et qui sont bloqués sans aucune explication par la Direction…. Keep Calm and Carry On….

Et pour finir, presser les récalcitrants par la demande d’explication….

Les agents qui, fatigués par cette petite musique, n’en feraient qu’à leur tête en refusant d’ajouter un mot à leur fiche diagnostic, sont alors traités via la demande d’explication. Il est peu dire que les questions posées frisent le ridicule, lorsqu’il s’agit d’expliquer par exemple pourquoi le mot « besoin » n’apparaît pas dans un rapport alors que les besoins de la personne y sont justement exprimés. Mais celui-ci ne tuant pas, la Direction du SPIP 68 se croit alors autorisée à s’opposer à la demande d’assistance d’un représentant syndical à l’occasion de l’entretien suivant la remise de la demande d’explication.

Alors même que les carences en matière de ressources humaines sont flagrantes sur les antennes de Colmar et Mulhouse, le management décidé par la Direction épuise les agents. Épuisement qui les conduit à poser la question des risques psycho-sociaux à l’occasion des réunions de service. A Mulhouse, il leur a été répondu qu’« il existe des GAP, des supervisions et une psychologue du service ». Penser que ces espaces qui permettent aux agents de réfléchir à leur positionnement professionnel puissent être un lieu d’examen des risques psycho-sociaux, quel mélange des genres ! Quant à l’idée selon laquelle une psychologue du service puisse réguler les risques psycho-sociaux du service dans lequel elle exerce…. La réponse se passe de commentaires. A Colmar, il leur a été répondu que la porte de la Direction est ouverte pour en discuter, pour au final entendre, une fois le seuil franchi, qu’on ne sait quoi leur répondre… Au siège du SPIP, s’entendre dire que la pression syndicale favorise l’émergence des risques psycho-sociaux…

Les agents du SPIP 68 en ont aujourd’hui plus qu’assez de ce mauvais film. Le déploiement du RPO1 se traduit par un tir de missiles incompréhensible, incohérent et inapplicable. C’est aujourd’hui sur un terrain miné qu’évoluent les agents.

Le SNEPAP-FSU 68 et la CGT IP 68 exigent que cesse le délire administratif dans lequel sont plongés les agents, faisant primer la forme sur le fond. Les publics pris en charge, les agents assurant à tous niveaux ces accompagnements, et les relations institutionnelles doivent être remises au centre des préoccupations par la Direction du SPIP 68.

Mulhouse, le 9 avril 2019

Les représentants au CTD68