Réforme statutaire des DPIP: Historique et perspectives

Suite aux récentes annonces de la DAP sur la revalorisation de l’IFO des DPIP. La CGT IP se doit, à ce stade, de retracer les différents événements qui ont freiné toute réelle revalorisation du corps des DPIP comme les perspectives et avancées qui peuvent être espérées et qui seront portées par la CGT IP afin qu’elles profitent à l’ensemble du corps.

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. De 2016 à 2021 : du temps perdu

Petit rappel pour commencer : le constat que les DPIP n’ont pas tiré tous les bénéfices qu’ils/elles pouvaient espérer de la réforme issue du mouvement de 2016 et retranscrit dans les négociations ayant abouti à la refonte plus que légère du décret statutaire des DPIP comme du décret indiciaire votée en 2017 (et mis en œuvre en février 2019), n’est pas nouveau et reste partagé par la plupart des personnes intervenant sur ce dossier. Courant 2020, des discussions avaient débuté avec la DAP auxquelles la CGT IP avait pu prendre part, même si elle avait été « oubliée » à l’origine. Ces discussions s’arrêtaient brutalement ; le Ministère, comme la DAP ayant décidé avec l’appui des organisations syndicales représentatives à la seule CAP des DPIP (ce qui, soit dit en passant, n’est pas une prérogative de la CAP mais bien du CT SPIP) d’essayer d’obtenir la Catégorie A+ pour les DPIP, à l’instar des DSP.

La CGT IP n’a pas partagé leur analyse, tant sur le fond que sur l’axe stratégique choisi. En effet, il lui a toujours semblé que les DPIP n’obtiendraient pas la catégorie A+ et qu’en outre, les concessions à faire pour s’en rapprocher seraient néfastes, tant pour le corps des DPIP que pour les SPIP et la préservation d’une filière IP.

En effet, pour aller chercher la catégorie A+, la DAP s’est appuyée sur un certain nombre de « marqueurs A+ ». Ces marqueurs sont en fait des arguments censés démontrer à la Direction Générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) que les DPIP méritent le A+, quitte à surjouer parfois artificiellement l’ancrage sécuritaire de la profession, à mettre en place un régime d’astreintes aussi inutile que coûteux et épuisant, ou à accepter des mesures  telle que l’obligation de la mobilité tous les 5 ans etc.

En désaccord avec cette vision de l’évolution de la profession des DPIP et parce qu’elle sait qu’au-delà d’un déroulé de carrière, un équilibre de vie familiale et/ou personnelle est à préserver, la CGT IP n’a pas voulu s’associer à la DAP et à ses alliés de la CAP de DPIP, préférant porter la revendication d’une grille indiciaire correspondant au A type actuel, en y adjoignant une surindiciation, à l’instar des CPIP pour tenir compte des réalités du métier de DPIP (cf ci-après).

Rappelons tout de même que l’intersyndicale DPIP consentait à toutes ces contreparties catastrophiques pour la majorité des agent.es, uniquement dans un souci d’affichage de A+, et sans même avoir d’idée précise de grilles indiciaires (et donc de gains éventuels) qui accompagneraient ce passage en A+. Ce n’est pas comme ça, loin de là, selon la CGT IP qui a l’expérience de réformes menées avec succès, notamment pour les CPIP, que l’on négocie une réforme statutaire ambitieuse !

La CGT IP craignait aussi que les efforts consentis par les DPIP pour se conformer aux marqueurs A+, notamment les plus sécuritaires d’entre eux, ne rejaillissent sur l’ensemble des services. Elle n’a malheureusement pas été démentie, en atteste le virage sécuritaire subi par tou.te.s depuis plusieurs mois. Sur ce point, l’irresponsabilité de certains syndicats des cadres en SPIP est coupable.

Sans surprise en tout cas pour ce qui est de la CGT IP, et alors même que la profession a fait de nombreux efforts pour se conformer aux marqueurs A+, la DGAFP n’a pas validé le projet de passage en catégorie A+.

Dès lors, que faire pour débloquer la situation des DPIP ?

. 2022 : « damage control »

La DAP a essayé en 2021 puis à nouveau en 2022 de parer au plus pressé et de maintenir l’indemnitaire des DPIP (l’IFO) au-dessus de celui des CPIP. Ainsi, en 2021, ce sont 400 000 euros qui sont allés grossir l’enveloppe globale pour les DPIP, principalement pour les grades les plus élevés.

En 2022, la première mouture proposée par la DAP, faisait la part belle à nouveau aux DFSPIP, adjoint.e.s et chef.fe.s d’antenne, laissant les DPIP « de base ou de proximité » sans aucune augmentation !  La CGT IP a quant à elle fait valoir tous les arguments pour demander à ce que l’augmentation de l’IFO concerne bien l’ensemble du corps de manière équitable.

Une   différence profonde d’approche entre la DAP et la CGT IP : la CGT IP revendique une évolution pour l’ensemble de la profession, basée sur une approche « métier ».

En effet, la moitié des DPIP sont actuellement entre le premier et le 6ème échelon de la grille (élèves compris), et parmi l’ensemble du corps des DPIP qui ne cesse de croître, très peu ont vocation à devenir un jour DFSPIP. C’est donc ici et maintenant qu’il est aussi important d’améliorer le quotidien de ces collègues. Notamment pour les personnes qui, obtenant le concours interne se voient obligées de déménager, de payer un double loyer, et les trajets le week-end pour retrouver leur famille et connaissent dès lors, comble du paradoxe, une période de précarisation sociale et financière alors même qu’elles sont devenues cadres !

Pour la DAP, même si elle s’en défend désormais, on est plutôt dans une approche « carrière ». Misant sur l’ambition et la mobilité des personnels, la DAP s’attache à rendre le plus attractif possible les hauts de grille, pensant ainsi rendre acceptables les insuffisances criantes des premiers échelons. Cette approche plaît aux DFSPIP ou DPIP faisant fonction de DFSPIP, qu’elle favorise largement, et à leurs élu.e.s mais laisse sur le côté plus de la moitié de la profession, ce que la CGT IP a dénoncé à de nombreuses reprises.

Suite donc au rejet du projet de la catégorie A+ pour les DPIP, c’est en 2022 une enveloppe exceptionnelle de 700 000 euros qui sera dévolue à l’augmentation de l’IFO (contre 400 000 euros prévus initialement).

Comme l’avait demandé la CGT IP, l’enveloppe fera l’objet d’une répartition égalitaire sur l’ensemble des DPIP, représentant une augmentation nette de l’IFO de 145 euros pour les DPIP de classe normale et de 83 euros pour les chef.fe.s d’antenne, adjoint.e.s, DFSPIP etc. 

Cette augmentation sera rétroactive au début d’année 2022 et sera effective lors du passage de l’IFO à l’IFSE des DPIP, ou si cela n’est pas possible rapidement, directement dans l’IFO. Outre ces augmentations via  l’indemnitaire en 2021 et 2022, la DAP et le ministère demanderont également une augmentation de l’enveloppe indemnitaire des DPIP, pour 1 million d’euros en tout en 2023.

FOCUS sur le rôle trouble du ministère : alors que la DAP s’arc-boute sur une approche « carrière », le ministère lui, son secrétariat général notamment, porte un autre projet, plus pernicieux.

En effet, depuis plusieurs mois, la vision du secrétariat général est d’unifier autant que possible les différents statuts des cadres du ministère de la justice. Multiplier les passerelles, favoriser autant que possible les mobilités d’un corps à l’autre (une année à la PJJ, la suivante en greffe de tribunal et ensuite au SPIP…). Avec comme imaginaire final un corps unique, commun, des cadres du ministère de la justice ?

A ce titre, la récente fusion des CAP des nombreux corps de cadres du ministère en une seule CAP, réunissant tant les attaché.e.s d’administration que les directrice.eur.s PJJ, les directrice.eur.s de greffe ou les DPIP, est une première étape importante dans ce projet démentiel.

La CGT IP est viscéralement opposée à ce projet qui n’est rien moins qu’une négation de toute forme de spécificité de nos métiers comme de nos services ! Un.e directeur.rice de greffe et un.e DPIP ne font pas le même métier, ils/elles n’ont pas les mêmes compétences ni les mêmes sensibilités.

Le nier revient à nier que l’encadrement d’un service est un métier de l’humain et non une application robotique de techniques de management pré-pensées !

Cette augmentation, comme celle à venir, sont certes substantielles mais ne répondent pas totalement aux difficultés du corps depuis plusieurs années.

L’indemnitaire reste le moyen d’une amélioration rapide de la paie, mais ce qui fait la base de la rémunération d’un corps et son identité, ce sont l’indiciaire et le statutaire.

Pour la CGT IP, le corps des DPIP n’a pas un statut en cohérence avec les missions, les compétences mises en œuvre, le niveau de responsabilité, la diversité des sujets à connaître et maîtriser, la spécificité des publics pris en charge, la complexité de la tâche, qui sont celles d’un.e DPIP.

Cela se traduit par une double difficulté :

  • difficulté financière, que l’indemnitaire ne pallie qu’en partie,
  • et difficulté dans l’ancrage et l’affirmation de l’identité de la profession, actuellement mal définie et donc tiraillée entre les exigences de trop nombreux acteurs extérieurs (magistrats, politiques, forces de l’ordre, établissements, DI, DAP, et même trop souvent les DFSPIP).

La DAP a également annoncé diverses mesures pour accompagner ces premières annonces indemnitaires. Encore à l’état de projet, elles s’inscrivent dans la logique « carrière » portée par l’administration. Pour certaines, elles permettraient cependant de lever des barrières et de corriger des incohérences dénoncées de longue date par la CGT IP.

demande d’un taux de pro/pro de 10 % des personnes éligibles pour l’accès au grade de hors-classe

– possibilité pour un.e DPIP au dernier échelon de la Hors Classe d’atteindre un indice de la Hors Echelle A

– faciliter l’accès aux fonctions de DFSPIP de deuxième catégorie pour les DFSPIP Hors Classe

– rétablir l’accessibilité aux fonctions de DFSPIP de première catégorie aux DPIP

Là encore, sous réserve qu’elles se concrétisent, ces mesures peuvent représenter des avancées. Mais elles ne sont pas suffisantes pour sortir le corps de l’ornière actuelle.

La CGT IP revendique, elle, la suppression du caractère fonctionnel de directeur.rice départemental.e pour qu’il corresponde à un grade de débouché pour les DPIP, afin de leur permettre d’exécuter une carrière complète dans la filière Insertion Probation (à l’image du statut de proviseur de collège ou lycée par exemple).

Enfin, il est à noter que la DAP rejoint l’ensemble des représentant.e.s des personnels, CGT IP en tête, pour admettre que le statut actuel des DPIP « n’est plus adapté » et donc que celui-ci doit bénéficier d’une réelle réforme ce malgré le très récent refus d’une telle réforme (via la seule approche du A+) par la DGAFP.

. Une stratégie en carton

La stratégie de la DAP pour une réforme statutaire des DPIP, rejointe par différentes organisations siégeant à la CAP des DPIP, a laissé pantoise la CGT IP. En effet, le A+ a été refusé aux DPIP malgré la mise en avant d’un certain nombre de « marqueurs A+ ». Eh bien la DAP propose simplement d’aller chercher une échelle indiciaire inférieure au A+, en mettant en avant… des marqueurs A+ ! Mais mieux formulés que la fois d’avant !

La CGT IP ne souscrit toujours pas à cette stratégie, qui a échoué une fois et qui échouera une seconde fois. Pour elle, il faut aller chercher pour les DPIP une grille indiciaire qui corresponde aux réalités, aux complexités, aux technicités, de leur métier actuel. Et justifier de cette demande par l’ampleur de la technicité mise en œuvre, par la profonde diversité des textes de références, règlements, lois à maîtriser dans des domaines aussi variés que le droit des personnels, l’hygiène et sécurité, le droit pénitentiaire, le droit pénal, les différentes politiques d’insertion, ses différent.e.s acteur.rice.s sur les territoires, etc. auprès d’un public présentant des spécificités indéniables. Cette grille indiciaire, ce n’est pas une grille de A+, mais une grille A-type, comme la plupart des cadres, mais bénéficiant d’une surindiciation conséquente pour tenir compte des éléments listés ci-dessus.

Il n’est en outre, nul besoin d’aller chercher plus loin que ces arguments fondés et objectifs et de mettre en avant la responsabilisation accrue qui pèse sur les DPIP à chaque fait divers, à chaque ordre de mettre en œuvre une politique imposée aux SPIP, ce qui leur incombe puisque les DFSPIP usent allègrement de leur pouvoir de délégation, ou encore à la représentation des SPIP par les DPIP dans les différentes commissions départementales en lien avec les préfectures par exemple. Pour la CGT IP, le réel représentant des antennes des SPIP et des personnels est le DPIP. C’est donc aussi via cette direction de service que la réforme doit être pensée.

Si on sait expliquer la richesse, la complexité et l’utilité de nos métiers, il n’est pas besoin d’inventer on ne sait quel rôle de sécurité intérieure ou de police pour justifier que les DPIP soient rémunéré.es à hauteur de ce qu’ils et elles méritent !

Au-delà de la question des DPIP, la CGT IP souhaite que les SPIP cessent d’avoir honte d’être eux-mêmes ! Honte imposée depuis trop d’années par la DAP notamment à travers ses propos honteux sur la nécessaire « professionnalisation des SPIP » par exemple.

Notre pays n’a pas besoin d’un service de sécurité intérieure de plus. Il en est déjà bien pourvu.

En revanche, ce que font les SPIP, est utile et nécessaire. Et ils sont les seuls à le faire. C’est aussi ça l’enjeu de la préservation de l’identité des SPIP.

La CGT IP souhaite sortir les DPIP des mauvais choix stratégiques qu’ils et elles ont subi depuis plusieurs années, voyant leur charge de travail augmenter, leurs missions dévoyées, au profit d’une hypothétique réforme statutaire dont on sait désormais qu’elle n’arrivera pas. Les efforts par contre, ont bien eu lieu et tout le monde en paye le prix.

La CGT IP le réaffirme ici :  les DPIP doivent être recentré.es et réaffirmé.es sur leurs véritables missions: animation de l’équipe, organisation du service, représentation du service, relations institutionnelles et partenariales sont des missions nobles et bien suffisantes au vu de la complexité et de la richesse des missions d’un SPIP, pour définir un métier et justifier pour lui d’un statut digne de ce nom.

. Établir un nécessaire rapport de force

Depuis des années, la CGT IP appelle les personnels à se mobiliser tous ensemble pour se faire entendre par l’administration et au-delà. Ces appels sont régulièrement ignorés par les organisations corporatistes de la CAP des DPIP. Les DPIP ont bien souvent déserté ces mouvements, voire ont essayé d’y faire obstacle plutôt que de les soutenir.  Cela n’a pas empêché d’avancer sur de nombreux points, pour l’ensemble des personnels, DPIP compris, et pour les SPIP et le public.

Aujourd’hui enfin, les organisations syndicales de la CAP des DPIP découvrent les vertus de la mobilisation et appellent à la mobilisation du corps des DPIP. Nous pourrons regretter que cela arrive à contretemps par rapport à une grande mobilisation unitaire portée par la CGT IP et l’UFAP UNSa, qui a battu son plein avant l’été et qu’elles ont ignoré quand elles n’ont pas essayé de la saborder. Or force est de constater que cette mobilisation a, elle, pour partie, déjà porté ses fruits.

La CGT IP note toutefois que ces mêmes organisations reprennent ses modalités d’action, jusqu’à ses visuels ; sans doute faut il y voir un hommage à ses nombreux combats gagnants ! 

La CGT IP soutient et soutiendra tous les personnels en lutte pour des revendications légitimes.

La CGT IP reste solidaire d’une partie des revendications de la profession, si ce n’est de la stratégie adoptée par ses organisations de capistes.

La CGT IP appelle tous les personnels concernés qui le souhaitent à se joindre à la mobilisation prévue le 20 septembre pour le corps des DPIP. Non pas pour accepter tous les renoncements déjà consentis par l’intersyndicale, et ceux à venir, pas plus non plus par comparaison ou jalousie envers d’autres corps tels que celui des CPIP, mais bien pour porter haut et fort les difficultés du métier de DPIP, les mauvaises conditions actuelles de son exercice, et les conditions salariales notoirement insuffisantes !

Plus largement, la CGT IP appelle à nouveau les DPIP à rejoindre le mouvement pour que l’ensemble des personnels en SPIP bénéficient du CTI ! Les personnels administratifs notamment, indispensables au fonctionnement des services et placés pour beaucoup d’entre elles/eux sous leur responsabilité, doivent être partie intégrante des revendications! Un plan de requalification concernant les Adjoints Administratifs est en cours de discussion. C’est en premier lieu aux DPIP de se battre pour que leurs personnels en SPIP n’en soient pas écartés en valorisant leur travail et leur investissement quotidien.

L’expression de nos différences, et même de nos désaccords ne nous affaiblit pas. C’est au contraire en exprimant nos divergences, en alimentant nos débats, que nous parviendrons à faire avancer la profession de DPIP vers de meilleures conditions, à tous les niveaux.

En 2020, les tentatives de la DAP pour nier ce débat, et évincer les représentants légitimes des personnels en matière statutaire, les organisations représentatives de l’ensemble des personnels en SPIP, donc du CT SPIP dont la CGT IP en premier lieu, ont échoué !

La CGT IP a forcé la porte et s’est invitée à la table des discussions. Trop tard pour empêcher le fiasco de la catégorie A+. Espérons que cette fois-ci nous parviendrons ensemble à obtenir les avancées qu’espèrent nos collègues.

La CGT IP se tient aux côtés de tous les personnels des SPIP dans leurs revendications légitimes à une juste rémunération, à un respect de leurs métiers et de leurs statuts, à des conditions de travail saines et normales, seules à même de fidéliser et valoriser ses agent.es et ainsi participer à maintenir un service public de qualité et de proximité !

A Montreuil, le 23 août 2022