Lettre ouverte à Mme la Directrice Fonctionnelle du SPIP de Paris,

Madame la Directrice,

À l’heure de votre prise de fonction au SPIP 75, l’ensemble de l’équipe du milieu fermé souhaitait que vous puissiez avoir une vision globale des difficultés que nous rencontrons depuis notre installation au sein du Centre pénitentiaire de Paris La Santé.

Aujourd’hui, ces difficultés persistent et rendent le travail au quotidien très pénible. Nous avons donc tenté de vous répertorier les plus significatives.

Lettre ouverte à la DFSPIP de Paris version PDF ici

Manque de matériels et de fournitures :

  • A notre arrivée en septembre dernier, nous avons commencé par lister le matériel dont nous allions avoir besoin. Une partie de nos commandes effectuées en septembre est enfin arrivée mi-janvier mais il en manque encore et pas le moindre ! Nous n’avons toujours pas de fax, pas de cases courriers, pas de cases pour les partenaires, pas de tampons au nom du service et surtout nous ne pouvons toujours pas envoyer de courriers externes ; ce qui est une réelle difficulté dans le cadre du maintien des liens familiaux!

  • Nous souhaiterions également que nos bureaux d’entretien soient équipés de téléphones afin notamment de pouvoir contacter les services en interne et ainsi éviter de déranger régulièrement les gradés.

Un cadre d’intervention peu sécurisant :

  • Il est également plus que temps de définir notre cadre d’intervention au sein même du SPIP. Alors que nous l’avons sollicitée à plusieurs reprises, la tenue d’un Comité Technique Local nous semble aujourd’hui urgent et indispensable !

    La Charte des temps du Milieu fermé doit être revue entièrement concernant l’intervention des personnels du SPIP et doit, à notre avis, être déterminée en prenant compte les deux autres pôles du département.

    Nous souhaiterions également que la nouvelle organisation de service soit actée dans le cadre du CT et que des notes de service soient enfin rédigées afin de sécuriser les agents dans leurs pratiques professionnelles.

    Enfin, l’ensemble de l’équipe ne pouvant être présent à toutes les réunions (puisque 4 CPIP sont de permanence arrivants chaque jour), il serait opportun que nous ayons des comptesrendus des réunions (réunions de service mais également réunions avec les JAP, réunions avec les partenaires…) afin que tous les CPIP puissent avoir le même niveau d’information. Pour cela, un secrétariat composé d’un minimum de 2 personnes s’impose.

  • Ensuite, il est très urgent qu’un certain nombre de procédures soient éclaircies afin de nous permettre de travailler correctement. A titre d’exemple, dès notre installation en septembre, il nous a été demandé de réfléchir très rapidement sur l’arborescence d’un commun pour mieux échanger certaines informations avec la détention et ce, dès l’ouverture. Or, à ce jour, nous n’avons toujours pas accès à ce dernier. Ainsi, nous ne pouvons pas rechercher les pièces d’identité des détenus que les agents du vestiaire scannent dès l’écrou et placent sur le commun pour que nous puissions y avoir accès. Cela nous permettrait de constituer plus rapidement les demandes d’inscription sur les listes électorales en vue des élections européennes (volonté du Président de la République) et faciliterait nos démarches dans le cadre de la préparation à la sortie des personnes suivies.

    A ce jour, nous sommes toujours dans l’obligation de solliciter les surveillants des vestiaires qui font donc un double travail en nous envoyant les documents par mail. Nous n’avons pas non plus accès au commun du milieu ouvert, ce qui est également une difficulté puisqu’il est une source d’informations non seulement au niveau législatif mais également sur les informations RH et de fonctionnement du service.

    Il est encore très fréquent que nous recevions des mails nous indiquant que des informations sont à consulter sur le commun du milieu ouvert et que nous devions demander à ce que ces dernières nous soient envoyées par mail.

    Enfin, nous demandons également à ce que certaines procédures soient clarifiées telle que celle de la LSC et sommes toujours dans l’attente de réponses aux questions soulevées à ce sujet.

  • Concernant notre cadre d’intervention au sein de l’établissement, nous nous interrogeons aujourd’hui sur la place de notre service. En effet, nous rencontrons tous les jours des difficultés pour rencontrer les arrivants. A titre d’exemple, il faut régulièrement 4 heures pour recevoir 3 détenus au quartier arrivants (sachant qu’il y a parfois plus de 20 personnes à recevoir). La Direction de l’établissement a décidé que l’Unité Sanitaire était prioritaire pour recevoir les arrivants. Nous comprenions ce principe mais la réalité est que ces derniers attendent régulièrement très longtemps à l’UCSA avant de revenir au quartier arrivants pour être enfin reçus par le SPIP. Cette difficulté a été remontée à plusieurs reprises par notre DPIP à la direction de l’établissement. Cette dernière s’est engagée à rédiger une note en demandant à ce que les arrivants soient envoyés par petits groupes afin que nous puissions les rencontrer dans la matinée sans attendre et sans mettre à mal l’organisation de la détention et de l’UCSA. A ce jour, nous n’avons noté aucune amélioration et nous sommes toujours dans l’attente de la note.

    De même, il avait été évoqué qu’un bureau devait être aménagé au quartier arrivants pour permettre à l’US d’y recevoir les détenus. Cela faciliterait grandement le turn over entre les services et réduirait de manière importante les mouvements. Nous n’avons malheureusement pas non plus d’informations supplémentaires à ce sujet.

    Une solution doit être très rapidement trouvée! En effet, nous ne serons bientôt que trois puis deux puis une à être de permanence arrivants et la situation ne sera plus gérable!

    · La question de la sécurité doit également être abordée. En effet, à ce jour, il n’y a pas suffisamment d’API pour se rendre en détention et il semble difficilement concevable que nous devions continuer à nous en passer!

    L’architecture même de l’établissement pose également des problèmes de sécurité. Ainsi par exemple, le bureau du surveillant et nos bureaux d’entretien au quartier arrivants sont non seulement éloignés mais également séparés par une grille!

    Et nous ne vous parlons pas de certaines alarmes « coups de poing » placées à des endroits inaccessibles dans certains de nos bureaux en détention…

Les Ressources Humaines :

  • Nous avons déjà pu percevoir la difficulté d’organiser les congés sur une équipe de neuf personnes. Nous souhaiterions pouvoir discuter rapidement de cette question avec vous afin de savoir s’il serait possible d’envisager un renfort du Milieu ouvert sur quelques semaines critiques afin de mutualiser les effectifs du service départemental et pouvoir programmer nos congés.

    Notons que dans le cadre de la préparation à l’ouverture du CP de Paris La Santé, la Direction a toujours souhaité travailler avec cette idée d’unité départementale. C’est d’ailleurs aussi dans cet esprit que l’équipe du milieu fermé avait aidé le milieu ouvert sur des permanences et avait effectué toutes les enquêtes afin de soulager nos collègues.

  • Nous aimerions également faire un point avec vous en termes de RH puisque nous sommes aujourd’hui très inquiets sur nos conditions de travail et nos possibilités d’accomplir nos missions.

    Et ce n’est pas l’ouverture de 3 postes à la dernière CAP qui nous a rassurés! En effet, il a nous a été annoncé qu’il y aurait un peu plus de 1 200 détenus dans quelques mois et que deux QPR seraient ouverts. Lors de notre dernière audience syndicale, votre adjointe nous a indiqué qu’a minima 3 CPIP seraient à temps plein sur ces quartiers… Comment ferons nous pour accompagner le reste de la population pénale (soit plus de 1100 personnes)?

  • Enfin, à ce jour, une seule adjointe administrative est en poste sur le pôle milieu fermé. Cette dernière est contractuelle et n’a eu que peu de formation pour s’adapter aux spécificités du travail dans un SPIP.

    Son contrat prendra fin en juillet et nous sommes inquiètes quant à la suite. De plus, force est de constater qu’il est très difficile de fonctionner qu’avec une seule adjointe administrative! Quand cette dernière est absente, c’est à l’équipe de s’organiser et faire office de secrétariat. Les dossiers ne sont plus enregistrés sur APPI. La situation va très rapidement devenir ingérable!

La question des budgets pour les activités socio-culturelles :

  • Depuis septembre 2018, notre coordinatrice culturelle s’est énormément investie afin de proposer des activités variées et adaptées à la population carcérale ainsi que dans la recherche de financements. Félicitée en décembre par notre hiérarchie suite à la venue du DAP et du DI, on interroge aujourd’hui la faisabilité d’une programmation aussi dense.

    De plus, elle rencontre également des difficultés à obtenir des réponses du siège que ce soit sur les conventions ou encore sur l’achat de matériel… Doit-on rappeler que ces activités sont indispensables aux personnes détenues qui trop souvent n’ont accès à rien d’autre en détention ?

Le manque de reconnaissance de notre Assistante sociale :

  • Notre assistante de service social se retrouve également aujourd’hui en difficulté. Une fiche de poste très précise a été élaborée par elle-même et la direction non sans mal. Aujourd’hui, il semble que ses fonctions ne soient pas connues par la direction de l’établissement. Intervenant au PIPR, il était convenu qu’elle aurait accès à une connexion internet afin de travailler à l’accès aux droits des personnes détenues en leur présence. Malheureusement, la direction de l’établissement l’a informée la semaine dernière que cette connexion ne serait pas autorisée, ce qui remet en question toute son intervention.

    En effet, doit-on rappeler que nous sommes passés à l’heure de la dématérialisation et qu’une demande de RSA par exemple, ne peut se faire que via internet? Cette interdiction d’accès pose également problème pour plusieurs partenaires du plateau technique en milieu fermé et remet en cause les conventions signées et donc leurs interventions au sein du CP de La Santé.

    Il faudrait également que notre direction rappelle aux différents services intervenant à l’établissement et notamment au SMPR que l’assistante de service social du SPIP n’a pas vocation à remplacer une assistante sociale au SMPR et qu’elle n’a pas à constituer les dossiers pour la MDPH.

Madame la Directrice, nous souhaitions rédiger cette lettre ouverte afin que vous puissiez avoir une connaissance assez exhaustive des difficultés rencontrées actuellement par l’équipe du milieu fermé et qui ne font que s’accroître avec la montée des effectifs.

Nous sommes aujourd’hui très inquiètes quant aux suites de notre intervention. Nous attendons des réponses rapides qui nous permettraient d’envisager la suite de cette réouverture avec un peu plus de sérénité.

La CGT SPIP 75

Ce courrier sera rendu public