Lettre ouverte à madame la Garde des Sceaux : Répartition des 1500 emplois créés au sein des SPIP : entre approximations, incompréhensions et mépris de certains personnels

Madame la Garde des Sceaux,


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La DAP a présenté ce 29 avril la répartition des 1 500 postes créés en SPIP, en lien avec la loi de programmation de la Justice, en proposant un document censé justifier le nombre de postes par catégorie de personnels. Censé car ce document comporte nombre d’erreurs et de projections douteuses, qui faussent la clé de répartition de ces créations de postes et nous tiennent en alerte. Censé car cette répartition des emplois aurait dû distribuer les postes en fonction de charges de travail nouvelles. Cependant, il n’existe à ce jour aucun organigramme de fonctionnement dans les SPIP établissant un lien entre la charge de travail d’un service et sa composition en terme de personnels. Un chantier est en cours depuis plus d’un an sur le sujet sans que la DAP ne démontre par des actes sa réelle volonté de faire aboutir ces travaux.

Pire, les clés de calcul retenues jusqu’ici dans le cadre de ces réunions ne sont présentes nulle part dans la répartition des 1500 emplois, sauf en ce qui concerne le corps des DPIP…

  • Les postes de CPIP : 840 postes créés ou la multiplication des erreurs grossières et   l’inatteignable ratio

La DAP a débuté par une justification du nombre de postes prévus pour les CPIP afin d’établir un ratio de 60 PPSMJ suivies par un CPIP qui exerce à temps plein.  Selon la projection de la DAP au 1er janvier 2022, 262 723 personnes seraient prises en charge. La DAP établit donc que 4 349 ETP (Équivalent Temps Plein) de CPIP seraient nécessaires pour assurer le suivi de ces personnes en tenant compte du ratio visé.

1e erreur, ou la soi-disant « coquille » : la CGT, elle, en opérant une simple division (262 723/60) arrive au chiffre de 4 379 ETP. Pour la DAP, cette différence de 30 ETP ne semble pas gênante. Après tout, si on se rapproche du ratio, même avec des chiffres tronqués, ce ne serait pas si mal… Sauf que pour nous, cela fausse déjà toute la répartition. 30 ETP, ce n’est pas anecdotique au vu de la charge de travail déjà insupportable de nos collègues.

Mais le pire est à venir.

2e erreur, première incompréhension : La DAP recense, au 1er octobre 2018, 3 571 CPIP titulaires en SPIP. Or, dans le même temps, les listes d’électeurs aux élections professionnelles dénombraient 3 539 CPIP au total. Chiffre qui comporte les agents travaillant en SPIP, mais aussi dans les  DISP, à la DAP, à l’ENAP, et en détachement, autant de personnels à décompter pour connaître la réalité des services.

De plus, alors que la DAP met en avant un objectif fixé à 4 349 ETP, elle fonde son calcul sur le nombre de CPIP, donc d’agents ! Nous contestons déjà ce chiffre de 3 571 CPIP en SPIP, autant dire que nous le contestons d’autant encore plus si la DAP confond agent et ETP !

Volonté d’enfumage ou étourderie… Ce qui est certain, c’est que l’administration est en capacité de comptabiliser ses effectifs en ETP ! Elle l’a fait dans le cadre des réunions sur les organigrammes et le chiffre présenté était de 3 035 ETP de CPIP exerçant en SPIP.

 Ainsi, au vu des chiffres présentés par l’Administration, et sans même discuter du ratio retenu, il manque en réalité 1 314 ETP de CPIP pour parvenir aux 4 349 ETP escomptés au 1er janvier 2022 (constat entaché d’erreurs, rappelons-le).

Il est sûr qu’avec ces chiffres, le plan de 1 500 créations d’emplois au sein des SPIP apparaît particulièrement insuffisant et la DAP aurait eu davantage de difficultés à expliquer la création de seulement 840 postes de CPIP sur les 1 500 dévolus aux SPIP.

Par ailleurs, pour son travail de projection, la DAP a ciblé deux missions à renforcer, à savoir :

  –  74 postes dévolus à renforcer la réalisation des POP.

 –   93 postes pour les « CPIP chargés de la coordination avec les associations dans le cadre du   présentenciel au sein des territoires où le secteur associatif réalise d’ores et déjà les     POP ».

La CGT s’est aussitôt alertée sur une mission de coordination qui n’existe pas ! Les services de la DAP, gênés par notre intervention, ont rapidement indiqué que ces postes s’ajouteront à la mission des POP.  

Au vu de la mauvaise expérience récente de confier les postes de délégués au TIG aux CPIP en dépit des missions statutaires de chacun, CPIP et DPIP, la CGT craint une nouvelle volonté de décharger les DPIP de leurs missions élémentaires en les faisant porter aux CPIP ! Ce document révèle en outre que 41 créations de poste correspondent aux postes de délégués au TIG et dévoile que la tentative odieuse de nous faire croire que ces postes seraient proposés tant aux CPIP qu’aux DPIP, n’est qu’un leurre.  Seuls des CPIP se verront donc confier ces nouveaux postes de délégué au TIG. Postes qu’il faudra donc retrancher du prévisionnel pour calculer le ratio !

Sachez Madame la ministre que la CGT introduira tous les recours à sa disposition pour enrayer cette dérive de l’Administration qui fait peu de cas des règles de mobilité de ses fonctionnaires, et encore moins du respect des décrets statutaires encadrant leurs missions.

Mais les mauvaises surprises ne s’arrêtent pas là !

  • Les postes d’agents PSE : La DAP prévoit la création de 106 agents PSE, arguant que les mesures de surveillance électronique vont augmenter  de 10 594 mesures à compter de la mise en œuvre de la loi de programmation de la Justice.

La CGT estime des créations nécessaires car les agents PSE sont en sous-effectif, ils interviennent parfois sur  plusieurs départements et bien trop souvent hors charte des temps, avec une amplitude horaire de repos insuffisante entre deux journées de travail en cas d’alarme d’un PSEM par exemple.

Toutefois, comme sur les projections précédentes, la CGT remet en cause les prévisions :  comment la DAP peut-elle expliquer qu’actuellement 250 000 personnes soient suivies par le SPIP (contre 240 000 fin 2013), que 262 000 le seront en 2022, ce qui correspond uniquement à une progression linéaire, et en même temps, mettre en avant que le nombre de mesures de PSE va exploser et doubler sans en tenir compte dans sa projection ? Idem pour les mesures de TIG, qui, par la création de l’agence dédiée, vont également exploser ?

Si c’est le cas, cette prévision de hausse ne comporterait que les mesures sous PSE et aucune autre, ce qui est impossible et donc le nombre de CPIP nécessaires est de nouveau sous-évalué !

Il ne peut éternellement s’agir de coquilles ou d’oublis. Il s’agit selon nous d’une volonté délibérée de la DAP de présenter des chiffres erronés pour tenter de justifier la création de postes qu’ils savent insuffisante pour les CPIP.

Alors que les organigrammes de référence doivent voir le jour, comment accorder une quelconque crédibilité à ce qui sera défini par la DAP au vu de l’amateurisme de cette

présentation ? Nous ne sommes pas dupes. Si les organigrammes ne voient pas le jour, c’est bien parce que l’Administration mesure l’ampleur du manque de postes de CPIP pour parvenir au ratio qu’elle a elle même fixé.

  • Les postes des personnels administratifs : missions polyvalentes sous évaluées

Concernant les PA : le plan de répartition prévoit la création de 4 postes d’attachés au sein des SPIP suivant plus de 2 500 PPSMJ ; 28 postes de Secrétaires Administratifs et 112 postes d’Adjoints Administratifs.

Nouvelle erreur et incompréhension : la DAP avance un ratio d’1 adjoint administratif pour  500 personnes suivies. Sauf qu’encore une fois, le constat de départ est biaisé. Alors que la DAP se base sur le nombre d’AA (ou SA) total au sein des SPIP, elle se révèle incapable de déterminer combien sont assignés sur d’autres fonctions comme les secrétariats de Direction, les RH ou les régies. Si la DAP ne peut estimer combien de PA sont réellement affectés sur les antennes, comment peut-elle parvenir à combler les postes vacants et là encore, parvenir aux ratios énoncés ? Il est d’autant plus désagréable de faire ce constat que cette distinction entre postes intervenants au siège et postes intervenants dans les services a été opérée pour le calcul du nombre de poste de DPIP contenu dans la répartition des 1500 emplois !

Sans ces données, comment considérer que cette répartition sera suffisante pour absorber les déficits de PA au sein des SPIP ? Comment envisager un plan de requalification ambitieux pour les PA déjà en poste ?

  • Concernant les ASS, le plan prévoit la création de 165 postes en SPIP, sur des missions d’accès au droit. La CGT rappelle son attachement à la complémentarité des formations pour exercer les missions de CPIP et dénonce un rétrécissement des missions en deçà des dispositions professionnelles des ASS.
  • Le plan prévoit encore la création de 30 postes de psychologues : pour la CGT, inscrire cette création n’a de sens que si un statut  de fonctionnaire l’accompagne, statut défini mais non encore présenté en CTM.
  • Le plan prévoit la création de 40 postes de coordonnateurs culturels, dans des maisons d’arrêt ou centres pénitentiaires hébergeant plus de 500 détenus. Ce chiffre de 500 nous paraît difficile à quantifier et évaluer de façon précise, d’autant plus quand nous constatons la difficulté de l’Administration à établir précisément les chiffres qui concernent ses agents…
  • Le clou de cette présentation fut l’annonce du nombre de 175 créations de postes de DPIP ! L’AP établit qu’il existe 494 DPIP au 1er octobre 2018, auxquels s’ajoutent les 56 actuellement en formation, et veut augmenter ce contingent de 175 DPIP sur la période 2020-2022. Cela, alors que la CGT le réaffirme et l’assume : les cadres sont déjà en nombre suffisant. Ils sont juste très mal répartis sur le territoire.

=> Comment la DAP et le Ministère peuvent-ils  expliquer une augmentation de ce corps            des DPIP de 35% (+ 46% sur la période 2019-2022!!!) alors que dans le même temps le            corps des CPIP ne sera augmenté que de 24 % (en tenant compte, qui plus est, des             chiffres grossis et erronés de l’Administration) ?


Comment la DAP et le Ministère peuvent-ils  expliquer une augmentation de ce corps            des DPIP de 35% (+ 46% sur la période 2019-2022!!!) alors que dans le même temps le            corps des CPIP ne sera augmenté que de 24 % (en tenant compte, qui plus est, des             chiffres grossis et erronés de l’Administration) ?


Comment l’expliquer quand les différentes études d’impact démontrent que la loi de        programmation Justice entraînera une charge de travail plus importante pour les CPIP,   ainsi que pour les PA et agents PSE ?

Comment encore considérer qu’avec cette augmentation du corps des DPIP qui         portera le nombre total à 725 DPIP (pour 4 349 CPIP maximum, soit 1 DPIP pour 6       CPIP!!!), les missions de ces derniers soient reportées sur les CPIP ?

Comment enfin expliquer que l’Administration ait fourni un travail d’analyse poussé et partial (on n’est jamais mieux servi que par soi même) pour justifier la création de 175 postes de DPIP alors qu’elle commet autant d’approximations et d’erreurs pour les CPIP ?

Compte tenu de cette répartition biaisée, la CGT Insertion Probation ne peut que déplorer qu’un plan qui se voulait ambitieux par la création de 1 500 postes au sein des SPIP, débouche sur un recrutement insuffisant de CPIP et de PA. Quand ces deux catégories de personnels, essentielles à la qualité du service public et sur qui reposent l’activité des services seront-elles enfin prises en compte au sein de ce Ministère ? Ce plan n’est qu’une escroquerie !

Madame la Garde des Sceaux, la CGT constate non seulement votre méconnaissance et l’inéquité de traitement de vos personnels, mais aussi un manque de volonté évident pour parvenir à l’établissement d’organigrammes de référence au sein des SPIP et ainsi parvenir à un ratio de personnes suivies acceptable au regard de la multiplication de nos missions, volonté pourtant présente quand il s’agit de créer l’agence du TIG ou de faire voter la loi de programmation de la Justice !

A défaut de volonté politique forte de préserver et améliorer la situation de vos agents, il serait temps de faire respecter les missions statutaires de chacun et d’exiger que la répartition des postes obéisse à une logique d’amélioration de la qualité du service public pénitentiaire. Actuellement, le plan de recrutement cautionne le fait de prélever des personnels sur des équipes déjà submergées, équipes qui devront faire face à un nouvel accroissement de leur charge de travail sans les moyens matériels et humains (les chiffres de l’Administration le prouvent) indispensables.

Il s’agit donc pour nous de la chronique d’un fiasco annoncé dont nous devons vous mettre en garde dans l’intérêt des personnels que nous représentons et des missions qui nous sont dévolues, pour les usagers…

Seule votre intervention peut aujourd’hui contraindre la DAP à revoir cette répartition ou, a minima, de tirer les conclusions de ce travail bâclé en préservant les missions des CPIP et en mettant en œuvre un plan de requalification ambitieux pour ses personnels administratifs.