Déclaration liminaire au CT SPIP 27 septembre 2017

Monsieur le président,

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Ce comité technique examine aujourd’hui le projet de Référentiel des Pratiques Opérationnelles, un document censé répertorier les pratiques professionnelles en cours dans les SPIP. La CGT dit bien « censé », car de référentiel des pratiques il n’est pas, mais se propose plutôt d’acter le changement :

  • changement de missions des SPIP – qui, d’accompagner et de guider les justiciables vers l’insertion et la réinsertion sociale dans une visée de prévention de la récidive, deviennent des services chargés « de l’accompagnement vers une sortie de la délinquance »,
  • changement de métier des CPIP – qui, de travailleurs sociaux, deviennent des psycho-criminologues,
  • changement dans la prise en charge – qui n’est plus fondée sur les besoins des publics mais sur leurs seuls risques supposés de récidive,
  • changement des principes d’évaluation – qui n’est plus conforme au mandat judiciaire, et qui ne se charge plus d’évaluer la situation sociale, familiale et matérielle, mais qui devient une évaluation du risque de récidive.

C’est contre cette dénaturation générale que la CGT a lutté durant 2 ans ½ ; 2 ans ½ de discussions vaines, au cours desquelles nous avions pourtant fait le pari de l’intelligence et du discours raisonné. Nous avouons donc notre naïveté : nous avons cru qu’une direction de projet pouvait aborder ces questions d’un œil neutre, objectif, et conforme au cadre législatif et réglementaire ; nous avons cru que la DAP allait – enfin ! – se saisir de ce moment pour apaiser les tensions entre les différents courants théoriques qui traversent les SPIP, et singulièrement le métier de CPIP ; nous avons cru qu’il était possible d’arriver à un consensus, après la conférence du même nom, à un compromis qui allie travail social et criminologie. Bon, nous ne l’avons pas cru bien longtemps… En effet, quand l’administration a positionné sur cette direction un cadre du SNEPAP, qui lui-même a recruté une ancienne secrétaire nationale du SNEPAP, pour écrire un document qui déroule le projet politique du SNEPAP, il n’a pas fallu des heures pour comprendre que nous étions dans l’impasse : l’impasse d’une posture idéologique fascinée par son objet, hermétique à tout argument rationnel qui l’interroge et le questionne, pétrie d’une assurance que RIEN n’est venu contredire.

Il ne faut donc pas s’étonner que nous nous retrouvions aujourd’hui avec un document difficile à « accoucher », qui a fait l’objet de très nombreuses remarques et amendements de la CGT – dont pratiquement aucun n’a été retenu. Nous l’avons dit, et nous le répétons : la CGT ne mène pas un combat d’arrière-garde et n’est pas contre toute évolution. Nous étions d’accord pour discuter, pour élaborer un véritable référentiel qui fasse autorité, et également pour inclure dans les pratiques actuelles tout ce qui pouvait les enrichir. C’était le sens de nos participations aux réunions et contributions, c’était le signe de l’ouverture que nous voulions envoyer à la DAP. Or la DAP, nous ne l’avons pas vue – nous n’avons vu et « discuté » qu’avec le SNEPAP. La direction de projet SPIP, faisant fi de nos travaux et contributions a mis en œuvre, unilatéralement et sans retenue, la mise au pas des SPIP sous le règne de la crimino anglo-saxonne du tout RBR, de la gestion du risque, du travail sur l’attitude et les croyances, sur les habiletés sociales, la motivation au changement, sur les schémas de pensée, la restructuration cognitive – et on en passe.

 

Voilà le nouveau métier, le métier rêvé du SNEPAP, qui définitivement enterre tout le champ social et les savoir-faire à l’œuvre aujourd’hui dans les SPIP. Ceci ne se discute pas : personne – strictement personne – ne travaille aujourd’hui dans nos services tel que le décrit ce référentiel. Nous aurions donc trouvé judicieux et intellectuellement honnête de commencer par-là : qu’est-ce qu’un SPIP ? A quoi sert-il ? Comment travaillent les CPIP et quelles sont les compétences à favoriser et à développer ? Elles sont riches, n’en doutons pas, et issues de plus de 50 ans d’existence… A ces questions, il y a des réponses : elles sont dans le Code de Procédure Pénale, les décrets et règlements qui régissent les métiers et l’activité des SPIP. La CGT voulait les mettre au jour pour dire, montrer, et faire reconnaître ce qu’il se fait dans les SPIP, la réalité et la qualité du travail effectué quotidiennement. Pourtant, il faut s’empresser de tirer un trait définitif sur toutes ces compétences, pour vite s’emparer de ce qui se fait – soi-disant – ailleurs. Le Graal est au Canada, le SNEPAP et la DAP l’ont trouvé…

Cette même DAP, vous Monsieur le président en juin dernier, vous vous êtes engagé à rouvrir une dernière fois les discussions sur ce RPO, mais nous n’avons jamais vu la couleur d’une nouvelle réunion. La CGT avait affirmé alors que l’heure n’était pas à un manuel qui transforme les pratiques professionnelles, mais qu’il était plutôt requis d’établir des organigrammes et un ratio de prise en charge, de créer une véritable déontologie, de reconnaître les charges de travail le plus souvent aberrantes, bref, de se préoccuper des attentes et des besoins prioritaires des personnels. Faut-il vous rappeler Monsieur le Président ce qu’attendent justement les personnels ? Sûrement pas un RPO mais bien plutôt la publication des textes de la réforme statutaire d’accès à la catégorie A permettant de dérouler une carrière et un statut à la hauteur de leurs compétences et de leurs savoirs faire !

Place donc à la psycho-criminologie portée par un courant et un syndicat minoritaire – le changement, c’est maintenant !

Montreuil, le 27 septembre 2017