Déclaration liminaire du Comité Technique SPIP du 7/10/2019

http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2019/10/sept-19-décla-liminaire-CT-SPIP.pdf

Monsieur le directeur,

Nous voici réunis aujourd’hui pour ce CT de repli convoqué certes dans les délais mais avec des horaires qui ne nous permettront pas d’aborder sereinement l’ensemble des sujets portés à l’ordre du jour. Cette situation découle d’une première convocation en pleine mobilisation de notre organisation, principale signataire d’un appel pour défendre le service public, valeur qui a encore du sens pour nous si elle n’en a plus pour notre Ministère et notre gouvernement.

Ceci reste la preuve une fois encore, si nous en doutions, que la DAP vit dans un total déni des réalités de terrain. Cette impression est renforcée par la proposition de l’administration d’un ordre du jour aux contenus indignes des sujets qui seraient vraiment à traiter : les organigrammes de référence en SPIP et la résolution de l’ensemble des problèmes RH qui touchent nos collègues.

Alors, croyez le bien, il nous en coûte d’être ici mais il nous faut bien utiliser le seul espace qu’il reste encore à défaut de nous voir proposer de vraies réunions de travail, au calendrier aussi bien ficelé que le « guide de l’évaluation » qui lui a su aboutir, dans notre dos, dans le dos des agents alors que nous abordions ce sujet dès notre 1er CT SPIP de Mars 2019 (cf lien vers notre courrier). Comme quoi vous aviez beau jeu d’évoquer une attitude quasi complotiste quand nous tentions de savoir ce que les services de la DAP travaillaient en dehors de tout dialogue avec les représentants des agents que nous sommes. Nous avions raison.

Alors, malgré toute la bonne volonté de notre organisation, mue par l’intérêt des agents et des missions que nous défendons, c’est avec une certaine amertume que nous sommes aujourd’hui devant vous pour participer à une instance importante sans cesse dévaluée dans les faits par l’usage que l’administration en fait.

Ce n’est plus de l’incompréhension qui s’installe entre la DAP et notre organisation, c’est un mur, de plus en plus difficilement franchissable. Et c’est malheureusement cette situation qu’endurent tant de collègues dans les services : quand ils demandent des moyens, on leur répond expérimentation, quand ils cherchent du sens à leur métier, on leur répond adaptation, quand enfin ils se battent pour ne pas perdre de vue leur public, si précaire, si désorienté, on leur répond prise en charge collective et évaluation.

Le « tout évaluation » n’est plus un outil, ni une vague théorie, c’est un dogme, un véritable mantra au service d’une administration qui n’a de cesse de rechercher une légitimité auprès de son ministère, et des autres directions, et qui pense pouvoir l’asseoir grâce à cette seule idéologie. Alors certes on lui donne de beaux atours, tel le colloque qui va prochainement se tenir, mi-institutionnel, mi-scientifique mais pour nous cela tient de la dérive sectaire, aussi nous nous permettons de vous alerter…

Vous allez nous trouver bien modestes, mais des textes qui régissent nos métiers, nos professions, il en existe et pas des moindres : des Circulaires au Code de procédure pénale, nous sommes cernés.

Alors oui en des temps de grand trouble, un vague rapport d’Inspection (daté de 2006) a agité le chiffon de l’organisation et de la professionnalisation des SPIP pour éviter de répondre à la seule question fondamentale qui nous secoue encore : les moyens – les moyens humains, les moyens matériels, les moyens financiers…

Mais sachez qu’aujourd’hui, on en a ras le bol des murs, des places de prison, des stats qui disent tout et leur contraire, des colloques pour DSPIP idéologues, et autres formations obligatoires qui sont une injure au niveau de technicité, de compétence, d’ingéniosité des professionnels des SPIP.

Non on ne veut pas mettre de « tenue caniveau »* pour aller en formation !

Nous voulons travailler au calme, avec la considération que l’on mérite, dans le respect du mandat judiciaire qui reste le fil rouge de l’existence de nos services. C’est à cette condition seulement que le service public pénitentiaire pourra tenter d’assurer un traitement égalitaire et équitable, d’accompagner autant de personnes si différentes, aux parcours de vie bien souvent chaotique et de rattraper en quelque sorte les dérives d’une Justice de classe en essayant de donner du sens à ce qui en a de moins en moins.

Et ce n’est pas la rencontre avec la garde des sceaux qui pourra nous rassurer, tant sa « croyance » dans les nouvelles dispositions pénales nous parait à mille lieux des effets qu’elles vont provoquer – et que nous avions nous, anticipés.

Alors, oui, nous sommes las de jouer les pythies avec notre Ministère, notre administration, et parfois nous aimerions être surpris, y croire encore un peu nous aussi, comme notre Ministre, mais ces instants se raréfient.

Pour autant, nous ne vous laisserons jamais mettre notre public dans des cases, certainement bien commodes pour tous ces directeurs, qui peu importe le ministère, sont formés aux tableurs Excel et au lancer de patate chaude vers le voisin.

Il faut accepter de se confronter aux individus, aux trajectoires aussi variées que leurs existences, cette diversité qui fait aussi le sel de nos professions et qui ne peut pas être évaluée tous les 4 matins par quelque apprenti criminologue.

Comme vous ne pouvez faire l’impasse de vous confronter à vos agents aussi, qui chaque jour exercent leurs missions de manière remarquable dans des conditions déplorables et qui n’attendent pas après la DAP -et c’est heureux- pour se poser mille questions sur la meilleure manière d’appréhender une situation.

Car être CPIP c’est explorer le champ des possibles avec la personne en face de nous, très humblement, en partant de l’existant, sans dénier les détours, les erreurs, en regardant la situation bien en face, pour ensuite trouver la meilleure solution, aussi modeste puisse t’elle paraitre au départ.

Notre administration saura t’elle s’en inspirer ?

* Cf. convocation à la tenue UDV du la DISP de Rennes

Montreuil, le 7 octobre 19