États Généraux de la Justice : la CGT IP reçue par le Garde des Sceaux

Depuis la parution du rapport sur les États Généraux de la Justice, la CGT IP a déjà pu exprimer la colère et les inquiétudes des personnels des SPIP quant aux préconisations et conclusions prises. La CGT IP avait d’ailleurs pressenti que ces États Généraux, à visée populiste, n’apporteraient rien aux professionnel.les puisque le comité les présidant, comme les groupes de travail par thématique, avaient bien pris soin de ne leur laisser, comme à leurs représentant.es, aucune place.

Ce jeudi 21 juillet, les syndicats CGT au sein du Ministère de la Justice dont la CGT IP, ont été reçus par le garde des Sceaux. Celui-ci reçoit en effet chaque organisation syndicale représentative au CTM pour recueillir leur avis quant aux conclusions publiées. Il aurait été plus judicieux de solliciter leurs avis avant la remise de cette ineptie.

La CGT IP a pu, au cours de cette rencontre, tout d’abord remettre au garde des Sceaux, le journal édité et intitulé « contre états généraux de la Justice » (accessible ici : https://www.cgtspip.org/contre-etats-generaux-de-la-justice-publication-de-la-cgt-ip/) en lui affirmant que s’il cherchait davantage de fond et des arguments autres que ceux contenus dans le rapport dans la mesure où il affirme ne pas être lié par les conclusions rendues, il pouvait le lire attentivement.

la version PDF ici : http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2022/07/Compte-rendu-rencontre-CGT-Garde-des-Sceaux-EGJ-21-juillet.pdf

En réaction au contenu même du rapport sur les États Généraux et les velléités gouvernementales qui consisteraient à rapidement mettre en œuvre une partie des conclusions, la CGT IP a affirmé et réaffirmé son opposition à l’ensemble des préconisations énoncées.

Sur la proposition d’une agence nationale de la prévention de la récidive et de la probation, la CGT IP a affirmé qu’autant elle partageait le constat que la DAP n’alloue pas les moyens budgétaires et humains aux SPIP pour leur permettre de mener à bien leurs missions d’insertion (sociale, familiale et matérielle et pas uniquement professionnelle par ailleurs) et de probation qui fondent son intervention en vue de prévenir la récidive ; autant la CGT IP ne peut que s’opposer à la création d’une agence « publique » qui n’aurait pour seul effet que de privatiser une partie des missions du SPIP en les confiant à l’associatif, qui intégrerait d’ailleurs en son sein au même titre que le SPIP, service public, et l’ ATIGIP . En effet, par essence, une Agence repose sur une approche privée tant du point de vue du statut des travailleur.ses la composant que du point de vue capitalistique en instaurant un Conseil d’Administration et/ou conseil stratégique.

Or, pour la CGT IP, le service public de la Justice, et ainsi des SPIP, doit au contraire être réaffirmé et toute privatisation écartée. La CGT IP a donc porté que d’autres pistes, plus réalistes et pouvant permettre d’une part l’affirmation des missions des SPIP et leur consécration comme régaliennes, auraient pu être mises en avant, notamment celle conduisant à la création d’une Direction Autonome de l’Insertion et de la Probation. L’appellation comme la forme qu’elle pourrait revêtir sont en totale opposition avec celle de l’Agence visée puisque celle-ci est proposée sous la dénomination d’Agence de la prévention de la récidive et de la probation, évacuant purement et simplement le terme d’insertion de son intitulé.

Nous rappellerons tant qu’il le faudra, que ce soit par la plume, le verbe ou la mobilisation que les SPIP n’ont jamais eu et n’auront jamais pour seule ambition de prévenir la récidive par la probation. Les personnels ont encore récemment rappelé leur attachement à l’accompagnement socio-éducatif et à la mission d’insertion des personnes qui nous sont confiées. Ce n’est pas pour y renoncer aujourd’hui en intégrant un statut de salarié du privé qui plus est.

En revanche, une Direction à part entière permettrait aux SPIP de disposer de moyens propres et d’affirmer leur identité professionnelle sans être assujettis aux influences sécuritaires de l’AP ou à celles de la DACG (Direction des Affaires Criminelles et des Grâces) dont l’ambition consiste, en ce qui concerne les SPIP, à les sur-responsabiliser et leur transférer des prérogatives appartenant aux greffes ou magistrat.es qui ne peuvent plus y faire face faute de moyens.

Une Direction Autonome de l’Insertion et de la Probation emporterait bien évidemment de préserver le statut de fonctionnaire des personnels des SPIP et donc de permettre de réaffirmer le SPIP comme service public régalien, ayant vocation à prendre en charge, avec les moyens adéquats alloués, l’ensemble de la population pénale tant en MF qu’en MO, en présentenciel comme en post sentenciel.

Ces échanges avec le Garde des Sceaux ont permis à la CGT IP de le rappeler : le SPIP est le seul service de la Justice à suivre l’ensemble des personnes prévenues ou condamnées confiées à l’AP et plus encore, le seul service par lequel les personnes suivies arrivent à renouer des liens de confiance avec la Justice dans sa globalité. C’est bien par cette relation de confiance, d’un suivi des obligations prononcées comme d’un accompagnement dans les démarches en vue de l’insertion sociale, familiale ou matérielle des personnes que la prévention de la récidive peut être envisagée ! Nous déposséder de l’une de ces facettes reviendrait à éloigner définitivement les personnes suivies de cet objectif et à remettre en cause le principe de prise en charge globale de la personne, reconnue et avancée par le Ministère lui-même comme fondamentale pour parvenir à réinsérer les personnes confiées!

Sur la préconisation de replacer les SPIP en juridiction, la CGT IP a soulevé que la question du lieu d’exercice ou d’intervention n’a, en soi, aucun lien avec la qualité d’exercice des missions ou de réalisation de celles-ci. C’est donc un faux débat de le croire pour la CGT IP. Preuve en est que les structures associatives qui sont implantées en nombre dans les tribunaux sont bien loin de démontrer une qualité de prise en charge équivalente au SPIP, alors même que les travailleurs sociaux qui oeuvrent dans ces structures ont bien moins de personnes en suivi et se reposent d’ailleurs beaucoup sur les éléments recueillis auprès du SPIP pour assurer leurs propres suivis…C’est donc bien, pour la CGT IP, la question des moyens comme de la temporalité de l’intervention qu’il faut re-penser. Le Ministère peut toujours décider de placer des CPIP à l’audience, la qualité de l’enquête ne sera pas meilleure si le SPIP ne dispose pas du temps nécessaire pour s’entretenir avec la personne et vérifier ses situations sociale, familiale et matérielle.

Il faut laisser le temps aux agents de travailler correctement et user des dispositifs existants comme l’ajournement tout en mettant fin aux mille-feuilles législatifs qui brouillent les dispositifs existants et favorisent une justice expéditive dénuée de toute individualisation. La CGT IP, comme les professionnel.les qu’elle représente, le savent : la Comparution Immédiate ne permet ni d’individualiser les peines ni, de fait, de rendre une justice de qualité.

Mais si le Ministère et la CGT IP peuvent se retrouver sur l’ambition de parvenir à une justice de qualité, le statut des personnels qui composent ses services ne peut être éludé. C’est par le recrutement de fonctionnaires formés aux différents métiers que le Ministère y parviendra. Non pas par l’embauche massive de contractuel.les embauché.es à la hâte, avec des conditions d’emploi précaires et pour lesquel.les la seule formation proposée est une formation par les fonctionnaires déjà débordé.es par leurs tâches. Ce n’est pas par cette précarisation du statut de fonctionnaire, cette recherche de flexibilité et en faisant croire que tout un chacun peut, sans formation particulière aux spécificités du métier, exercer toutes fonctions qu’on valorise les métiers, et qu’on les rend attractifs. Le service public de la justice ne doit en aucun cas subir de paupérisation. L’enjeu pour la société comme pour les personnes confiées, elles-mêmes trop souvent dans une grande précarité, est trop grand.

Par ailleurs, la CGT IP a dénoncé la conclusion, dénuée d’arguments et de fondements de ce rapport, sur une prétendue faible efficacité des prises en charge par les SPIP. Nous avons réaffirmé que pour pouvoir évaluer l’efficacité de l’intervention des SPIP, encore fallait-il des indicateurs objectifs pour se faire. Or, aucun élément objectif en dehors de ressentis ou de mise en lumière de certains faits divers ne vient appuyer ce constat subjectif. La CGT IP ne laissera jamais quiconque remettre en cause la qualité et le sens du service public des agent.es qui exercent en SPIP et qui permettent, par leur investissement quotidien et leur professionnalisme, une prise en charge de qualité des personnes confiées eu égard aux moyens dont ils et elles disposent.

Enfin, la valorisation des SPIP se doit également de passer par la valorisation de ses personnels. Si les psychologues et ASS seront bien bénéficiaires du CTI et les CPIP d’une mesure compensatoire, il convenait en revanche, outre les DPIP pour lesquels des négociations sont en cours, de considérer rapidement les autres corps de personnels exerçant en SPIP, et notamment la situation des personnels administratifs, sans lesquels aucun service ne serait en mesure de fonctionner! La CGT IP rappelle que les adjoint.es administratif.ves, si une priorité parmi les priorités devait être dégagée, doivent bénéficier d’une revalorisation indemnitaire et indiciaire importante ! Le rétablissement d’une IFSE pleine et entière et non plus soumise à un coefficient conduisant à la réduire de moitié serait une première avancée qu’il est possible de décider rapidement ! Nous ne lâcherons rien non plus sur ce sujet !

En réponse, à nos différents arguments, le Ministère a reconnu qu’il convenait de se revoir pour creuser ces propositions. C’est ainsi qu’une nouvelle entrevue sera reprogrammée dès la rentrée. Dans l’attente et puisque nous savons que le Ministère et le Gouvernement sont susceptibles de profiter de l’été pour mettre en œuvre tout ou partie des propositions émises par la commission Sauvé, la CGT IP se montrera extrêmement vigilante et prévient déjà nos décideurs que nous saurons résister et démontrer notre hostilité à toute remise en cause de l’existence, du statut comme des missions des SPIP !!

Qu’ils se le tiennent pour dit !